Un questions-réponses réalisé avec Michel Picard, en direct de Nicosie, à Chypre

Chypre, située à moins de 100 km des côtes turques et à 250 km d'Israël, surnommée l'île d'Aphrodite, est devenue un lieu de tensions entre Israël et la Turquie.
La raison première de ces tensions est énergétique et elle se trouve en pleine mer Méditerranée, au large de Chypre.
Effectivement, Israël en 2010 puis Chypre en 2011, ont découverts sur une même zone maritime de gigantesques gisements gaziers : plus de 675 milliards de mètres cubes. Ce qui, d'ici cinq ou six ans, devrait leur permettre de s'assurer une indépendance énergétique tout en exportant pour plusieurs dizaines de milliards d'euros.
Les deux pays n'ont jamais été aussi proches. En témoigne la première visite d'un chef de gouvernement Israélien à Chypre, en février. Benjamin Netanyahu est venu entériner le lancement d'une usine commune de liquéfaction de gaz sur le sol chypriote à des fins d'exportation en Europe.
Chypre étant divisée, la partie Nord de l'île est-elle en droit de réclamer sa part du gâteau ?
C'est le point de vue de la Turquie, qui rappelons-le, occupe depuis 1974 le nord avec 30 000 soldats.
Ankara réclame que la république turque de Chypre Nord, non reconnue par la communauté internationale, profite également de cette manne, ou que l'exploitation du gaz soit reportée après une éventuelle réunification de l'île.
Refus catégorique de la république de Chypre au sud, qui a reçu sur ce point un soutien international.
Du coup, la Turquie montre les muscles en envoyant navires et sous-marins militaires à quelques kilomètres de la zone de forage et même en entamant ses propres explorations.
Israël n'est pas en reste et a envoyé des bâtiments sur zone pour assurer la sécurité de l'exploration. Un avion militaire israélien vient même de se faire expulser du ciel de Chypre Nord par l'aviation turque.
Par ailleurs l'Etat hébreu cherche toujours un moyen de venir sécuriser la future usine de liquéfaction. L'implantation d'une base militaire israélienne sur le sol Chypriote est très sérieusement à l'étude.
Mais alors ne faut-il pas craindre un affrontement militaire ?
Personne n'y croit car aucun des protagonistes n'y trouverait d'intérêt majeur. Les bruits de bottes turcs permettent surtout à Ankara de réaffirmer son leadership régional quand Israël cherche à tout prix à mettre un pied de manière plus que symbolique en Europe.
Cela dit, chaque pays affirme se préparer au pire.
Et les tensions ne vont certainement pas s'apaiser avec la présidence chypriote du conseil de l'Union européenne qui débute le 1er juillet.
La Turquie, qui ne reconnaît pas Chypre, avait exigé de Bruxelles une annulation de cette présidence, faute de quoi elle romprait ses relations diplomatiques avec l'Union pendant six mois.