Un reportage de Sébastien Farcis, à Bombay, en Inde
Shweta Katti :
J'ai grandi dans un bordel. Nous vivions dans une mezzanine, au-dessus d'une chambre où les prostituées recevaient leurs clients. Ce n'était pas très propre, mais je n'ai jamais rien connu d'autre.
Shweta Katti, la jeune fille que vous venez d’entendre, a grandi dans « Kamatipoura », le plus grand quartier de prostitution de Bombay, en Inde. Mais au milieu de la misère et de l’insalubrité, une belle histoire émerge parfois.
Comme celle de Shweta, qui après une longue persévérance et l'aide d'une ONG, vient d'être acceptée dans une prestigieuse université américaine.
Je ne pouvais pas sortir le soir à cause des clients qui rodaient. L'environnement était hostile et tout le monde disait que je n'étais pas belle car j'ai la peau sombre .
Shweta Katti n'a que 18 ans, mais elle revient déjà de loin. Dans son enfance, elle a dû subir les avances et les attouchements des clients de ce bordel et se battre pour continuer à étudier. Aujourd'hui, Shweta dégage une étonnante confiance en elle quand elle marche dans les couloirs étroits et obscurs de cet immeuble de Kamathipura.
J'ai tenu car ma mère a toujours cru en moi .Et aussi grâce à l'ONG Kranti. Avec eux, j'ai suivi une thérapie, j'ai appris l'anglais, appris à parler en public à des conférences et j'ai voyagé . C'est alors que j'ai pris confiance en moi. J'ai compris que mon origine pouvait être une force et que je pourrais faire des choses formidables pour ma communauté.
C'est cette force puisée dans son passé difficile et cette motivation à agir qui semble avoir impressionné la prestigieuse université BARD de New York. La faculté a en effet accepté Shweta à partir d'août prochain pour un Master de 4 ans. Elle sera exemptée des droits de scolarité, mais doit encore réunir beaucoup d'argent pour pouvoir vivre sur place.
Pour Robin Chaurasiya , fondatrice de l'ONG Kranti, la réussite de Shweta valide un choix : celui de n'aider que 10 filles à la fois dans son organisation.
Nous privilégions la qualité plutôt que la quantité. Cela nous permet d'investir vraiment dans ces filles, de les faire voyager et donc de briser les barrières sociales dont elles souffrent. Nous voulons les rendre conscientes de ces injustices sociales et les transformer ensuite en leaders qui pourront changer cela .
Shweta devra redoubler d'efforts pour se mettre au niveau dans cette université américaine, mais elle a déjà un objectif clair : faire de la psychologie pour revenir dans son quartier, ouvrir un centre de consultations gratuites.