Un reportage de Nicolas Ropert dans la province du Nangahar, en Afghanistan
Martin Galliard, directeur de recherches pour Sayara, une société de communication installée à Kaboul :
Le pavot profite en grande partie à l’insurrection. Néanmoins, il faut considérer que certains éléments qui n’appartiennent pas à l’insurrection talibane profitent également de cette culture du pavot.

Martin Galliard travaille notamment sur le fléau de la production d'opium en Afghanistan. Le nombre d’hectares cultivés a été multiplié par 36 en 13 ans. Le correspondant de RFI pour France Inter Nicolas Ropert, a pu se rendre dans l'Est du pays avec l'armée afghane où aucune éradication des champs de pavot qui servent à produire l’opium n'a été lancée.
Les champs de pavot sont au bord des routes dans la province du Nangahar. Les militaires afghans qui sillonnent la région passent à côté pendant des kilomètres sans même y faire attention, ce qui ne surprend pas Ahmad Qais, sergent au sein de la 4ème brigade :
Notre objectif est d'avancer et de sécuriser le district. On doit le débarrasser des ennemis. On est concentré sur les bombes artisanales. Le reste, ce n'est pas notre problème. Ce n'est pas une mission contre la drogue. Nous nous efforçons principalement d'éviter les mines afin de rentrer sans dommage, comme nous l'a demandé notre commandant.
Les soldats en rigolent presque. Ils savent pourtant que ce pavot sera transformé en opium et participera au financement des Talibans, qu'ils combattent.
Le général de brigade, Dadan Lawang confirme que l'ordre n'a pas été donné d'éradiquer ces champs :
C'est le ministère afghan de la défense qui définit nos actions. Jusqu'à maintenant, nous n'avons reçu aucune directive nous demandant de lancer une campagne d'éradication des champs de pavot. Donc on ne s'en occupe pas. Dans le passé, nous avons mené des actions. Mais rien dans ce sens cette année. Bien sûr, si on nous donne l'ordre d'agir, nous le ferons.
L'Afghanistan est pourtant le premier producteur mondial, avec 90% du total. Une manne qui détruit le tissu économique local, analyse Martin Galliard, directeur de recherche au sein de Sayara. Pourquoi cultiver des pommes de terre ou du blé quand l'opium rapporte jusqu'à 20 fois plus ?
Martin Galliard :
L'économie du pavot arrose une large part des élites du pays. Néanmoins, il faut bien garder à l’esprit que c’est une culture à haut rendement, une économie à haut rendement qui n’est pas réinsérée dans le tissu économique et social local. Par conséquent, s’il est clair qu’une multiplicité d’acteurs profitent de la culture du pavot, cette culture participe à la dégradation de l’environnement économique local.
L'économie du pavot et de ses dérivés représentent aujourd'hui jusqu'à 60% du PIB afghan. Une production évidemment illégale, mais que ni le gouvernement afghan, ni la communauté internationale n'ont pu faire diminuer, malgré 10 milliards de dollars d'investissement, ce que regrette le général Dadan Lawang :
Si vous voulez mon avis, il faudrait que l'Afghanistan mène une politique globale contre le trafic de drogue. Il faudrait en premier lieu arrêter les barons de la drogue qui sont derrière ce commerce et qui financent nos ennemis. Ce sont eux que l'on devrait combattre, selon moi.
Peu de chance de voir un réel engagement de ce côté des autorités afghanes alors que les armées étrangères auront quitté le pays à la fin de l'année.
