Reportage en Cisjordanie de Emilie Baujard
Ayyad : « Le mur était loin de nous. La direction était totalement différente de celle d’aujourd’hui. Et puis, les plans ont changé pour annexer l’hôtel et l’intégrer dans ce qu’ils appellent le Grand Jérusalem. »
Ayyad est le propriétaire palestinien d’un hôtel à Abu Dis en Cisjordanie, à la lisière de Jérusalem-Est. Mais il ne le sera peut-être plus pour très longtemps. Dans un mois, la Cour suprême israélienne, après plus de 10 ans de procédure, doit décider si le mur de séparation va passer à l’est ou à l’ouest du bâtiment.
En d’autres termes, si l’hôtel va rester en Cisjordanie ou passer côté israélien.
Ali Ayyad montre son hôtel du doigt, le bâtiment de 3 étages est à une cinquantaine de mètres mais il ne peut plus s’en approcher… des soldats israéliens ont investi les lieux en 2003 et ils gardent depuis la propriété, le temps que la justice israélienne se prononce.
« Il y a des lumières, de très fortes lumières qu’ils allument la nuit au dessus du bâtiment, il y a une tour aussi où il y a des militaires, des caméras qui surveillent toute la zone et parfois il y a un soldat qui s’installe dans une des pièces et regarde ce qu’il se passe aux alentours. Il y en a un d’ailleurs en ce moment qui nous regarde depuis une des fenêtres »
Officiellement, l’hôtel et le terrain d’Ali Ayyad ont été réquisitionnés par l’Etat d’Israël pour des raisons de sécurité… pour y faire passer le mur de séparation haut de 8 mètres de haut… et qui aujourd’hui s’arrête à quelques mètres à l’ouest du bâtiment. Ce que redoute Ali Ayyad c’est que les travaux de construction reprennent et que son hôtel passe du côté israélien du mur, à Jérusalem-Est ville occupée et annexée par Israël depuis 1967. Lui et sa famille perdraient alors tout droit sur leur hôtel car ils n’ont pas les permis nécessaires pour passer en Israël et donc à Jérusalem.
« Aussi longtemps qu’on peut voir l’hôtel et que le mur n’est pas finit, il y a encore une chance pour cela change. Beaucoup de gens ici ne comprennent pas, ils me demandent : mais pourquoi tu ne veux pas que ton hôtel soit à Jérusalem ? Alors je leur explique qu’à la minute où l’hôtel sera annexé, ma famille sera considérée comme absente et c’est là toute la tactique qui a été mise en place. Ils n’annexent pas l’hôtel pour étendre la présence palestinienne à Jérusalem, mais pour prendre de la terre aux palestiniens. »
L’Etat d’Israël s ‘appuie effectivement sur une loi de 1950, appelée la loi des propriétaires absents, et qui lui permet de confisquer toute propriété appartenant à des Palestiniens qui ont quitté ou ont été forcé de quitter Israël après la guerre de 1948. Rami Ershied est avocat à Jérusalem
« Un absent est tout Palestinien qui avait une propriété en Israël mais qui n’a pas obtenu la citoyenneté israélienne en 1948 ou la résidence en 1967. Alors dans ces cas, l’Etat d’Israël prend la propriété. Chaque année, il y des dizaines de cas où l’Etat d’Israël utilise cette loi pour déchoir les Palestiniens de leur titre de propriété ».
Ali Ayyad, le propriétaire de l’hôtel y voit aussi une autre raison. Selon lui, son hôtel serait situé sur une route qui permettra à terme de relier Jérusalem à une colonie israélienne de 300 nouveaux logements en Cisjordanie.