Un questions-réponses réalisé avec Christine Dupré, en direct de Prague, en République tchèque
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Le Premier Ministre conservateur Petr Necas vient d'annoncer la fin de l'internement des enfants de moins de 12 ans issus de « familles à problèmes » dans des centres éducatifs fermés. Peut-on parler de la fin d'un terrible système hérité du communisme, près de 22 ans après la chute du régime ?
C'est en tout cas une brèche dans le système. Environ 20.000 enfants et adolescents tchèques sont encore aujourd'hui internés dans ces instituts, souvent installés dans le cadre assez trompeur d'un château avec un grand parc. Il y a beaucoup d'enfants Roms, mais pas uniquement. Parmi eux, de vraies victimes de maltraitance, de privations, de violence, mais aussi des gamins jugés par les services sociaux comme trop « livrés à eux-mêmes » dans leur famille, des enfants qui vivent le divorce très conflictuel de leurs parents, ou/et des enfants qui échouent à certains tests psychologiques. Jusqu'ici, ils pouvaient se retrouver dès l'âge de 8-9 ans dans ces instituts, en compagnie de jeunes « caïds » de près de 18 ans, parfois, eux, enfermés pour actes de délinquance.
Le projet du gouvernement devrait tout d'abord obliger les services sociaux à mieux encadrer et conseiller les familles à problèmes, à multiplier les mises en garde. Et ensuite, si la situation ne s'arrange pas, à confier l'enfant de moins de 12 ans à une famille d'accueil. Nombre d'obstacles bureaucratiques à cette prise en charge d'un enfant par les familles volontaires devraient être levés. Selon les défenseurs des droits des enfants, l'âge a une grande importance : si l’on est interné en institut très jeune, on a peu de chance d'en sortir avant sa majorité, à 18 ans.
- Les ONG qui défendent les droits des mineurs ont bien accueilli ce projet de réforme. Néanmoins, la plupart d'entre elles plaident pour la fermeture pure et simple de ces instituts éducatifs. Avec quels arguments ? Les défenseurs des droits des enfants dénoncent ces centres comme un échec total, voire comme une école du crime. Ils dénoncent la violence qui y règne vis-à-vis des plus jeunes, les viols, les passages à tabac. A la fin des années 90, des scandales ont aussi mis en cause plusieurs directeurs d'instituts, pour violence, et aussi pour des pratiques illégales, comme la location des jeunes « pensionnaires » à des agriculteurs pour des travaux de débroussaillage ou de terrassement. Le fruit de leur labeur allait dans la poche du directeur.
Il y a eu, aussi, des détournements d'argent public. Et puis surtout, les jeunes « internés » ne sont en rien préparés à leur sortie. Ils n'ont aucune qualification et se tournent généralement vers la prostitution ou la délinquance. C'était le thème d'un beau film des années 90, « Marian », du réalisateur Petr Vaclav.__ - La République tchèque traîne cette question de l'internement des mineurs comme un boulet. Elle est sommée d’agir depuis son adhésion à l'Union européenne. Le gouvernement Necas a-t-il plus de chances de réussir que ses prédécesseurs ?
Le gouvernement a une majorité, normalement, pour modifier la loi. Il est poussé à le faire par TopO9, un petit parti de cette coalition de droite, qui est assez en pointe sur les questions de libertés et de droits de l'Homme. Cependant, les instituts éducatifs sont ici un lobby avec des amis bien placés au Ministère de l'Education et dans tous les partis. Cela fait 22 ans, rappelons-le, que directeurs, éducateurs, psychologues qui vivent de ce système se serrent les coudes pour ne pas disparaître.