La réforme des camps de travail en Chine

France Inter
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Un reportage de Delphine Sureau à Shanghaï, en Chine

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Ma Yalian: « Les camps de travail sont tous illégaux ! C’est contre la loi que le parti communiste a lui-même créée »

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Nous sommes en Chine et cette ancienne détenue des camps de travail dénonce un système, hérité de l’époque maoïste qui permet aux policiers d’enfermer n’importe qui, sans procès. Les autorités chinoises appellent ça « la rééducation par le travail ». Un recours abusif de plus en plus souvent sujet à polémique, à tel point que le système va être bientôt réformé. C’est du moins ce que vient de promettre le nouveau premier ministre chinois Li Keqiang.

Li Keqiang
Li Keqiang
© EPA/MAXPPP - KAY NIETFELD

Les manifestants sont une cinquantaine rassemblés devant le tribunal du district de Huangpu. Ils sont venus soutenir la dissidente la plus connue de Shanghai, Mao Hengfeng, 51 ans. Cette militante des droits de l’homme attaque en justice la décision de police qui menace de la renvoyer en camp de travail. Avec ses combats contre les avortements forcés, et les expropriations, Mao Hengfeng est une habituée du laojiao, comme on le nomme ici : elle y a déjà purgé trois peines allant jusqu’à un an et demi sans jamais être jugée.

Mao Hengfeng : « Ce système de camp de travail sert à réprimer les citoyens, sans passer par la justice. Un chef dit qu’il faut enfermer quelqu’un et on l’enferme. Et cela sert aussi à faire travailler de nombreux gens gratuitement. La première fois que je suis allée en camp de travail, on fabriquait des ballons, des jouets, des chaussures… Si tu refuses de travailler, ils te frappent » .

Ces camps de rééducation par le travail ont été fondés en 1957 sous Mao pour mater les contre-révolutionnaires. Aujourd’hui, ils servent à enfermer les petits délinquants, les drogués mais aussi les pétitionnaires, ces citoyens qui se plaignent d’injustices. Avec cet outil terriblement efficace, les pouvoirs locaux peuvent enfermer pour quatre ans maximum tous ceux qui contestent leur autorité. Alors quand le nouveau premier ministre Li Keqiang annonce une réforme, avant la fin de l’année, les réactions sont sceptiques. Ma Yalian a passé deux ans et demi en camp de travail pour avoir manifesté contre son expropriation. Elle réclame une abolition.

Ma Yalian : « Puisque le camp de travail n’a aucun fondement légal, il devrait être supprimé automatiquement. Mais voilà… ce système injuste fonctionne très bien. Notre pays n’est pas un Etat de droit. Tous ceux qui sont placés en camp de travail, quelle qu’en soit la raison, le sont illégalement » .

Alors jusqu’où ira cette réforme ? s’interroge Pu Zhiqiang, avocat à la tête du combat contre les camps de travail. Il a constaté ces derniers temps que de plus en plus de détenus étaient libérés avant l’heure. La fin du laojiao a peut-être sonné, dit-il, mais cela ne signifiera pas forcément la fin des détentions arbitraires.

Pu Zhiqiang : « Tout le monde s’inquiète… même si le camp de travail est supprimé, le parti communiste pourrait le remplacer par d’autres moyens, par exemple, la résidence surveillée. Pour continuer à contrôler ceux qu’il n’aime pas. Je pense que cette inquiétude est justifiée. Parce que ce régime ne tient pas toujours ses promesses ».

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D’ailleurs Mao Henfeng n’a pas obtenu l’annulation de sa condamnation en camp de travail. Mais elle est autorisée à purger sa peine à la maison avec des policiers qui font le guet devant sa porte.