Meurtres à Muldersdrift

France Inter
Publicité

Un reportage de Solenn Honorine à Muldersdrift, en Afrique du Sud

Nikki Schimansky : « C_'est vraiment terrifiant de vivre ici. On est comme des prisonniers dans notre propre maison._ »

Publicité
Scène de crime
Scène de crime
© Radio France - Alan Cleaver

Nikki Schimansky habite Muldersdrift, une communauté rurale autrefois paisible, mais qui est depuis quelques mois victime d'une vague de violence. Car malgré une forte baisse du taux de criminalité sur les 20 dernières années, l'Afrique du Sud a un taux de meurtres 4,5 fois plus élevé que la moyenne mondiale.

Le crime touche d’abord les habitants Noirs, les plus pauvres, et 80% des meurtres sont commis par des gens qui se connaissent. Les Blancs, eux, sont davantage victimes de cambriolages ou d'attaques à main armée, en dépit des mesures de sécurité extrêmes qu’ils prennent pour se protéger.

C'est jour de barbecue à Clinic Road. Une vingtaine d'habitants de cette rue qui serpente dans la campagne, empilent bouillie de mais, betteraves en conserves et boerwors grillées –ces grosses saucisses sud-africaines– sur les tables à pique-nique du pub local, le Frog & Toad.

Shenon : « On n'a pas fait de barbecue tous ensemble depuis au moins... trois ans je crois. C'est juste pour retrouver de la normalité. Tu sais, quand on fait connaissance au-dessus d'un cadavre, c'est pas comme ça qu'on devient bons voisins, tu vois ce que je veux dire ? Oh la la, c'est terrible ce que je dis là ! Mais c'est vrai ! »

Des morts, cette petite rue de 27 fermes en a compté trois en six mois, dont une jeune fille de 13 ans. Et l'on n'y compte plus les cambriolages.

Une habitante de Muldersdrift : « Ca arrive à tout le monde ici. Nous on a eu de la chance, parce qu'on nous a pas violées ou tiré dessus. C'était vraiment un coup de bol. En fait, notre attaque de ferme était bonne. C'était tout doux, c'était bien ! »

Le plus inquiétant pour les habitants de Clinic Road, c'est l'explosion de la violence. Gael Bagley a été victime d'un cambriolage il y a six mois. L'homme est entré dans la maison, a tiré sans explication. La patronne de Gael fut touchée au poumon, son mari dans l'estomac.

Gael : « Avant, ils rentraient dans la maison et disaient : ‘chut ! Assis !’’. Ils ne te tiraient pas dessus. D’accord, ils pouvaient te donner une petite rouste, mais maintenant... ils tirent pour tuer. »

Avec l'explosion de la criminalité, cela devient impossible de revendre les fermes et les maisons de Clinic Road. Comme la plupart de ces habitants ne sont pas assez riches pour se reconstruire une vie ailleurs, ils n'ont pas d'autre choix que se barricader chez eux. Clôtures électriques de 2 mètres de haut, détecteurs de mouvement dans le jardin : il faut apparaître comme mieux armé que le voisin pour décourager les voleurs. Mais ça ne suffit pas.

Shenon : « J'ai des lumières de sécurité, j'ai de gros chiens – les miens te boufferaient, ceux là sont sympas. Tu as beau avoir tout ça, à un moment ou à un autre, il faudra bien que tu sortes de ta voiture pour pénétrer dans la zone sécurisée. Si tu as un flingue sur la tempe, tu les fais rentrer chez toi. C'est un fait. Si tu fais un mouvement pour alerter ta compagnie de sécurité, ils te tuent. Tu es fichu, tu comprends comment ça marche ? S'ils arrivent, ils arrivent. Ils peuvent démonter le toit d'une maison pour rentrer. S'ils arrivent, ils arrivent . »

Depuis janvier, cinq personnes ont été arrêtées en connexion avec des meurtres, et la police a fortement augmenté sa présence dans la commune de Muldersdrift. Mais cela ne suffit pas pour se sentir en sécurité. Le barbecue doit se terminer avant 18h, avant que le soleil se couche, avant que les voleurs arrivent.