Est-on jamais assez attentif dans la vie ?

Est-on jamais assez attentif dans la vie ?
Est-on jamais assez attentif dans la vie ?  ©Getty - Henglein and Steets
Est-on jamais assez attentif dans la vie ? ©Getty - Henglein and Steets
Est-on jamais assez attentif dans la vie ? ©Getty - Henglein and Steets
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Quand un patient nous dit qu’il va bien, mais que son regard fuit un peu, doit-on le lui faire remarquer ? Doit-on le laisser venir à nous avec sa vérité et sa souffrance ? Doit-on le pousser un peu ? Et jusqu’où le pousser ? Est-on jamais assez attentif dans ce monde ?

Quand cette mère célibataire vient avec son fils trois/quatre fois par mois au cabinet médical, pour des motifs médicaux tous plus -en apparence- futiles les uns que les autres, comment rechercher ce qui cloche derrière cette demande de soin ? Le prétexte ?

Quand, finalement, au bout d’un an de consultations en tous genres, elle finit par confier en larmes qu’elle n’y arrive pas, qu’elle n’y arrive plus, qu’elle se sent démunie face à son ado, que le seul moment où il la respecte et lui parle correctement c’est quand un médecin est dans la pièce, n’aurait-on pas pu économiser du temps à cette famille ?

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Est-on jamais assez attentif dans la vie ?

Et le sommes-nous toujours de la même façon ? Avec la même acuité ? Quand une journée est longue, quand les patients succèdent aux patients, que le soignant n’a pas eu le temps de manger à midi, qu’il n’a pas eu une minute de pause pour penser à autre chose que la maladie, penser à autre chose que les autres, quelle part d’attention reste-t-il disponible en lui pour les autres ?

Nous ne sommes pas le même soignant le matin à 8h30 quand on ouvre le cabinet médical que le soir, à 20 h quand on accueille le dernier patient.

Et oui, les patients ont le droit de ne rien dire de leurs troubles, ils ont aussi le droit d’espérer que le médecin soit assez attentif pour libérer leurs paroles, leurs mots.

Est-on jamais assez attentif dans le vie ?

Il y a un rythme biologique, chez l’être humain. Eh bien il y a ce rythme diurne, nycthéméral, chez le soignant.

Qu’est-ce qu’il essaie de me confier, là, ce patient ? me dis-je parfois.

Va-t-elle enfin parler de pourquoi elle se cache et se fait vomir ? Va-t-elle enfin laisser sortir les larmes à cause de la violence de son patron ? Va-t-il enfin se confier sur les violences qu’il a subies, petit garçon ?

Les patients ont le droit d’espérer des soignants attentifs. Et le système de santé, système « du toujours plus », plus de rendement, plus de places, plus d’économies, et la demande de soin toujours plus importante, tout cela ne va-t-il pas en tout premier lieu sacrifier l’attention ?

Malheureusement, l’état actuel de saturation de notre système de santé ne pousse pas à l’optimisme : tout est prêt à craquer. Alors mon conseil, le seul, que je me permettrais de donner à vous, patient et patiente : allez si possible consulter le matin, et préférez toujours les lundis matins plutôt que les vendredis soir.

Parce que si vous avez envie/besoin (et c’est votre droit le plus strict, et c’est le sel de notre métier) de dire sans dire, ne comptez pas sur le système qui vient.