

Alors voilà, Olga a 87 ans, et elle s’est cassée le col du fémur. L’opération est longue, dangereuse, et la convalescence... Eh bien la convalescence est ce qu’elle est quand on a 87 ans.
Il lui faut réapprendre à se lever, faire quelques pas, et enfin marcher avec l’aide d’un déambulateur.
Emmanuelle, une collègue kinésithérapeute qui s’occupe d’Olga me raconte ses progrès, lents et incertains, les séances de renforcements musculaires et de réapprentissage à la verticalisation. Évidemment -ce serait trop facile, sinon- Olga souffre de troubles cognitifs sévères : les jours pairs, elle ne reconnaît pas sa fille, et les jours impairs elle pense qu’Emmanuelle est directrice d’école.
Emmanuelle m’explique qu’Olga est une battante
Elle a un sacré caractère, et même si elle oublie pourquoi elle ne peut plus marcher, elle se donne les moyens tous les jours d’y parvenir. Je fais tout pour qu’on y arrive. Et je vais au travail tous les matins en me disant que ça en vaut la peine.
Évidemment, la vieille dame a été très diminuée par l’opération. L’objectif d’Emmanuelle est qu’elle arrive au bout de la pièce de rééducation avec le déambulateur, mais sans aide humaine.
Les séances de rééducation passent sans qu’elle n’arrive à faire plus de quelques mètres. Mais jour après jour, elle grignote des centimètres.
Finalement, au bout d’immenses efforts, vient un matin où Olga traverse d’un côté à l’autre la pièce de rééducation et arrive au bout, face à l’immense miroir qui orne le mur.
Elle l’a fait ! Elle a traversé - seule - la pièce de bout en bout ! Emmanuelle la kinésithérapeute est heureuse, mais la vieille dame se retourne vers sa soignante, l’air dubitatif.
« Qu’est-ce qui se passe, Olga ? » demande la jeune femme.
Et la vieille dame désigne son reflet dans le miroir, et dit :
Non mais c'est à cette vieille de bouger ! Même si elle est âgée, moi, j'ai la priorité : j’étais là avant...
Emmanuelle sourit : Olga qui ne sait plus reconnaître son reflet dans une glace a gagné une bataille, mais d’autres guerres l’attendent.
Comme pour la marche, Olga ne sait pas que c’est impossible, alors elle y arrivera peut-être. L’hôpital est un lieu où on se bat tout le temps, de 7 à 87 ans.
Et n’oublions pas : la vie est belle !
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