Cette semaine, des milliers de femmes ont témoigné sur la période qui a suivi leurs accouchements et l’une d’entre elles, en témoignant sur Twitter, m’a rappelé une scène que j’ai vécue il y a quelques semaines.
Des amis viennent dîner à la maison, ils ont quarante ans, s’aiment, c’est un couple soudé, ils ont quatre enfants. Elle s’appelle Zohra, il s’appelle Marc.
Lui me dit avoir lu un de mes romans, et s’étonne d’un passage : l’héroïne vient d’accoucher et subit, en post-partum, ce qu’on appelle des « phobies d’impulsion »
Mon invité s’étonne : « Quoi ? comment ? une mère peut, bien qu’aimant ses enfants, penser leur faire du mal et ne cesser d’y penser ? N’importe quoi !».
A ce moment de la soirée, alors que je m’apprête à lui répondre, Zohra, sa femme, éclate en sanglots, et quitte la pièce. On s’est retrouvés là, deux mecs un peu idiots, sans comprendre ce à quoi on venait d’assister.
Les phobies d’impulsion chez les jeunes mamans sont un phénomène fréquent, mais totalement tabou
J’ai un bébé, il est fragile, je pense que je pourrais lui faire mal, non parce que je veux le faire, mais parce que c’est si horrible de penser cela que je n’arrive pas à penser à autre chose.
Une internaute, Juliette, m’a aidé à synthétiser les études qui existent sur le sujet :
Des méta-analyses montrent que 32 à 46% des jeunes mamans éprouvent de telles pensées parasites. Ces chiffres montent jusqu’à 70 % dans certaines études. On parle de pensées intrusives, de craintes, du genre :
Je pourrais faire du mal à mon enfant, involontairement OU volontairement, l’étouffer ou l’empoisonner, ou le laisser tomber, le jeter contre le mur, etc etc etc.
Évidemment : plus vous essayez de les chasser, plus elles reviennent vous importuner.
Surtout, et c’est important : les études montrent que ces pensées parasites sont normales, fréquentes, qu’elles touchent AUSSI les papas
Les pensées parasites sont maljugées car méconnues des jeunes parents, personne n’ayant cru jugé bon de les prévenir : « Zohra, tu sais, ça existe, c’est pas grave, tu n’es ni une folle ni une mauvaise mère, et surtout ces pensées parasites ne sont pas corrélées à un risque de maltraitance de ta part ! ».
Personne ne leur a dit ça, donc quand ça arrive elles pensent être seules à le vivre et s’inquiètent. L’esprit humain est compliqué. L’esprit des jeunes parents est compliqué. Vous faites ce que vous pouvez dans le respect de vous-mêmes et à la hauteur de vos moyens.
Vous n’êtes pas seuls. Parlez-en si vous le pouvez.
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