Colette en 1907 : "Je veux faire ce que je veux"

Que peut donc faire Colette en découvrant que Willy, son mari, la trompe... qu'il a non seulement donné son nom aux livres qu'elle-même a écrits, mais qu'il en a également, en douce, vendu les droits d'auteurs... et que donc, elle se retrouve maintenant sans le moindre sou ?

Mais, à 32 ans, l'autrice des Claudine, gourmande de tout et peu portée sur le pathétique et la mélancolie, décide de s'inventer une nouvelle vie : puisqu'elle doit travailler pour assurer son indépendance financière, elle se tourne vers le métier dont elle rêve depuis l'enfance : le théâtre !

Le désir, la chimère et l'amour, La Chair, Rêve d'Égypte... Souvent à moitié nue et jouant de ses yeux de chat, Colette enchaîne les spectacles de mime et, à la ville comme sur scène, affiche son nouvel amour : Missy, la scandaleuse Marquise de Morny.

"Voilà une femme de lettres qui a mal tourné !" murmurent les mauvaises langues. Mais Colette s'en moque. "Je veux jouer la pantomime, confie-t-elle à Toby, son bulldog préféré. Je veux danser nue. Je veux sourire à tous les visages aimables et m'écarter des gens laids.

Je veux faire ce que je veux !

L'invité

Notre invité est Frédéric Maget, Président de la Société des amis de Colette et directeur de la Maison de Colette.

La vie de Colette a été longue. Elle est née en 1873, morte en 1954 à 81 ans. Elle a traversé beaucoup d'événements, des guerres, des changements d'époque. Mais pourquoi dire qu'elle a vécu sept vies ? "Sept vies, c'est une référence au chat, bien sûr, et à la préférence que Colette accorda au chat parmi toutes les bêtes. Mais sept, c'est peu, en fait. Colette a eu des vies multiples. Le changement, la transformation, la métamorphose ont été pour elle des règles de vie. Donc sept, c'est un minimum pour pouvoir envisager les différentes éclosions auxquelles Colette a eu recours pour devenir Colette."

Colette a connu la reconnaissance de son vivant. Dans sa vieillesse, elle sera admise à l'Académie Goncourt. Elle aura le prix Nobel. À sa mort, elle aura droit à des funérailles nationales. Mais très jeune aussi, elle a connu la notoriété, grâce au succès de la série des "Claudine" dans les années 1900. Mais c'est un succès en demi teinte puisque ce n'est pas elle, encore, qui signe : "Willy, son premier mari, tout le monde est habitué dans le milieu littéraire à le voir signer des livres qu'il n'a pas écrits. C'est même un principe.  Il a créé des ateliers. Il réunit autour de lui à la fois des musicologues, des érudits et de jeunes écrivains pour pouvoir produire des romans légers, un peu polissons. Sa femme va très vite être enrôlée dans ses ateliers. Il va lui commander la série des Claudine. Au départ, un volume "Claudine à l'école" qui va être un formidable succès et qui va donner naissance à la tétralogie aux quatre volumes des Claudine, le plus gros succès commercial de la Belle Epoque. On estime que la vente des Claudine et de l'ensemble des produits dérivés aurait rapporté près de 15 millions d'euros."

Willy a, en quelque sorte, inventé le marketing. Il y aura des cure-dents, des cigarettes, des gâteaux, des cartes postales, des parfums. Il y aura aussi une pièce de théâtre, il y aura une opérette. Mais cette argent va vite disparaitre. Willy et très dépensier et perd beaucoup au jeu. Cet argent et ce succès vont tout de même permettre à Colette et Willy d'être un couple phare de la Belle Époque. Colette découvre ainsi la notoriété à travers celle de son mari. A l'époque, elle n'envisage absolument pas de devenir écrivaine : "Dans ses premières années Colette est une jeune femme de son temps, qui vit, qui s'amuse. C'est une jeunesse assez insouciante et assez joyeuse, même si il y a des côtés sombres les infidélités de Willy, qu'elle découvre très tôt. Puis, à partir de 1905, le couple va se séparer et Colette va se retrouver à ce moment-là, dépossédée de tout."

Cependant, le jeune femme a un atout important, c'est son enfance et ses parents qui lui ont donné une éducation assez exceptionnelle : "Colette est une jeune femme qui n'a pas eu l'éducation de tout le monde puisqu'elle a eu la chance de grandir auprès de deux parents tout à fait extraordinaires. Son père, le capitaine Colette, qui va expliquer peut-être sa vocation littéraire inavoué, mais surtout le personnage de Sido, cette mère qui a passé son enfance et sa jeunesse en Belgique, à Bruxelles, auprès de ses frères qui étaient républicains anticléricaux, des journalistes proches des milieux d'avant garde. Et Sido va véritablement donner à sa fille une éducation tout à fait hors normes, très libre, au contact de la nature, lui permettant d'avoir accès à des savoirs qui étaient généralement interdits aux petites jeunes filles de son temps. La jeune femme qui arrive à Paris en 1893, n'est pas tout à fait une jeune femme de son temps."

Frédéric Maget est également l'auteur d'un livre passionnant et richement illustré : Les 7 vies de Colette, paru aux éditions Flammarion.

La fiction

1907 : Colette, "Je veux faire ce que je veux", une fiction radiophonique de Christine Spianti, réalisée par Pascal Deux.

Avec les voix de :

• Colette : Marion Malenfant
• Henry de Jouvenel : Emmanuel Lemire
• Georges Wague : Nicolas Chupin
• Missy : Clémentine Verdier
• Et les voix de : Tobias Nuytten, Yvette Caldas, Norbert Ferrer et Morgane Real.

Ainsi que l’équipe de réalisation :

• Bruitages : Élodie Fiat
• Prise de son montage et mixage : Manuel Couturier, Pierre Henry
• Assistante à la réalisation : Sophie Pierre
• Réalisation : Pascal Deux

L'extrait

Nous vous proposons un extrait de la fiction afin de patienter avant la diffusion de celle-ci, dimanche 8 novembre 2020 dès 21 heures.

La réalisatrice de notre émission, Anne Weinfeld, a choisi le moment où, en 1907, Colette et son amante et partenaire de scène, Missy, se tiennent dans les coulisses du Moulin Rouge après une représentation qui a fait scandale.

Les comédiennes, Marion Malenfant, pour Colette, et Clémentine Verdier, pour Missy, incarnent avec fougue les voix des deux personnages féminins.

La musique

• Jeanne Added - Off my back
• Autant en emporte l'Histoire, votre émission des Fictions de France Inter, possède son générique original, composé par le musicien, Clément Ducol.