Auteur de BD, dessinateur de presse, son long métrage, "Josep", dans la sélection du dernier Festival de Cannes, vient de se voir attribuer le prestigieux prix Louis Delluc du meilleur premier film, et sera disponible dès mercredi en VOD. Aurel est l'invité d'Augustin Trapenard.
- Aurel Dessinateur de presse et auteur de bande dessinée
"Josep", son premier long-métrage, sorti en septembre dernier, est une mise au point salutaire sur un épisode sombre de notre histoire nationale, autant qu'une célébration des pouvoirs du dessin, à travers la figure du dessinateur catalan Josep Bartolì. On parle de frontières, de trait, d'Angoulême, de survie, de radio et de dessin de presse. Aurel est dans Boomerang.
Extraits de l'entretien
- Aller sur les lieux de l'histoire de Josep
Aurel : "Je suis beaucoup allé sur les lieux de l'histoire pour préparer ce film Josep. Toutes les traces des camps et des lieux de passage dans les Pyrénées ont disparu. Avec Georges Bartoli, le neveu de Josep Bartolì, j'ai fait plusieurs fois le cheminement entre le dernier village catalan en Espagne et le premier village catalan français au col de Malrem pour marcher dans ses traces.
Je suis assez sensible à la géographie et à l'idée de ressentir ce qu'il s'y passe. De se retrouver face aux mêmes lumières, face aux mêmes lignes d'horizon, face aux mêmes perspectives inspire des images, des mises en couleurs, des projections de décor, de personnages… "
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- Le dessin de Josep Bartolì
Aurel : "J'ai découvert le travail de Josep Bartoli grâce au livre de son neveu Georges : " La Retirada". J'ai d'abord été happé par son trait visible dans les dessins qui illustrent ce livre.
Il racontait un pan de l'histoire de la guerre d'Espagne qui me fascinait depuis que j'avais vu Land and Freedom de Ken Loach. On dispose de peu d'archives sur cette retraite des Espagnols.
Le trait de Josep est d'une puissance folle, d'une justesse remarquable. Il est semi réaliste. Il ne comporte quasiment aucune faute de dessin. Et pourtant dans le choix de la façon de tracer la ligne, il y a une éditorialisation terrible.
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Les sujets sur lesquels se porte le regard de Josep en disent beaucoup. Entre dessin de presse et dessin de reportage, il est très factuel, et en même temps il projette son ressenti sur certains personnages.
Son art du dessin réside dans le pas de côté cher à Gébé, le dessinateur historique de Charlie Hebdo. Le dessin en lui-même est une distanciation parce que ça exprime une réalité mais ce n'est pas la réalité, contrairement à une photographie.
Le contour est le propre du dessin. C'est une représentation de quelque chose qui n'existe pas dans la vie de tous les jours et pourtant dont chaque enfant s'empare : il dessine le contour d'une personne qui n'existe pas dans la vie. Le dessin est une expression totalement abstraite de la réalité."
- Les dessinateurs
Aurel : "Je pense qu'il a deux familles de dessinateurs. Il y a ceux pour qui c'est un outil d'expression pur et simple, et il y a ceux pour qui c'est un besoin vital. J'appartiens vraiment à la deuxième catégorie. Même si j'en n'avais pas fait mon métier, j'aurais continué. On ne peut pas savoir.
J'aurais sans doute continué à dessiner parce que ça fait partie de ma vie depuis toujours. C'est un besoin physique et psychique. J'ai besoin de dessiner quotidiennement, même en vacances.
On parle souvent de témoignage pour les dessins de Josep dans les camps. Il y a une notion de témoignage, mais elle est secondaire par rapport à la notion de survie. Pour survivre dans les camps, il avait besoin de dessiner la vie autour de lui."
- Josep dédié à Tignous
Aurel : "J'ai dédié Josep à Tignous qui a énormément compté dans ma carrière de dessinateur. Je l'appelle "mon papa en dessin".
Il avait vraiment ce goût d'accompagner et d'aider les jeunes dessinateurs. Il m'a appris à me faire confiance. Il disait des petites phrases comme : "C'est à partir du moment où tu compteras sur le dessin pour vivre, que tu deviendras bon."
- Les auteurs
Aurel : "C'est un réel problème : 50% des auteurs qui sont sous le seuil de pauvreté. C'est impressionnant !
Le tout dans un contexte de surproduction, ce qui est une question compliquée, car cela permet à des artistes d'être publiés. Ce qu'ils n'auraient jamais pu faire dans un contexte différent.
Les auteurs doivent faire face à des demandes de plus en plus importantes des éditeurs. On leur demande de scanner leurs planches, de les préparer pour l'impression, de faire la promo de leurs ouvrages, et d'aller dans les festivals. Ils ne sont pas rémunérés plus pour faire cela.
On imagine mal un artiste donner un concert pour promouvoir son disque et ne pas être payé pour faire son concert parce qu'il vend des disques !
J'ai la chance de vivre du dessin de presse, donc je ne compte pas sur la BD pour vivre. Mais j'ai pu voir autour de moi des situations difficiles.
J'ai aussi vu cette fameuse surproduction qui augmente et qui entraine une diminution du nombre d'exemplaires vendus par album.
Les avances sur droits, la seule chose qu'on gagne quand on ne vend pas énormément de bande dessinée diminuent aussi et finalement, c'est impossible de joindre les deux bouts.
C'est très important de remettre les choses à plat sur ces questions-là, de discuter avec les diffuseurs, les distributeurs, et les éditeurs pour que les auteurs puissent enfin au moins gagner leur vie correctement et ne pas être les derniers sur la rémunération dans la chaîne. Il ne faut pas oublier que les éditeurs ne vivraient pas s'il n'y avait pas les auteurs."
[ ... ]
"Ce qui me frustrait depuis des années, c'était de ne pas mettre de son dans mes dessins. Le cinéma permet ça !"
"Le dessin de presse doit être vite lu, vite fait, et résumer une action en un seul dessin. Dans "Josep", j'ai utilisé cette technique plutôt que l'animation classique où on juxtapose plusieurs dessins pour représenter une action."
La suite à écouter...
Carte blanche
Pour sa carte blanche, Aurel a choisi d'écrire une lettre adressée au dessin de presse :
"Mon cher dessin de presse, j'espère que tout va bien pour toi à l'EHPAD. Ici, on fait aller au mieux. Il y a des hauts et des bas, mais la famille tient bon. Charlie a l'air d'aller pas trop mal. Ça fait plaisir de voir qu'il s'accroche à la vie malgré son attaque. Il se perd parfois un peu, mais on sait tous que ça ne doit pas être facile tous les jours.
Le canard va bien aussi. Depuis le temps, tu le connais, égal à lui-même, fidèle et discret. Un roc toujours un peu désuet, mais ça fait son charme.
Celui qui nous a fait soucis ces derniers jours, c'est Le Monde. Xavier, celui des Pingouins a claqué la porte en gueulant très fort, sans qu'on ne comprenne bien pourquoi. Même si on n'a pas été très surpris, ça a fait le beurre des commères du village. Et puis, Plantu a annoncé aussi qu'il partait pour pas laisser vide sa chambre de vieux garçon. Il a décidé d'en faire un airbnb "Cartooning for peace". Ça ne mange pas de pain et comme ça, il laisse sa déco.
Colcanopa et moi on est toujours dans la chambre avec deux lits superposés.
À part ça, Pascal, Camille, Gilles, Thibault, Olivier, les cousins vivent toujours chez Marianne. Ils ne sont pas d'accord sur grand-chose, mais c'est l'apanage des vieux couples. La tendresse et les années passées ensemble, c'est plus fort que tout. Et puis, le gîte et le couvert, ce n'est pas rien.
Les cousins Siné donnent de temps en temps des nouvelles.
Je suppose que l'aile droite de la famille n'est toujours pas passée voir, même si elle ne manque jamais une occasion de sous-entendre qu'on te laisse croupir à l'Ehpad, qu'elle n'aurait jamais laissé faire ça. Et patati patata. Elle parle beaucoup, mais ne se bouscule pas pour payer ton loyer.
Pour les faire chier, l'autre fois avec les cousins, on a ressorti les vieux albums des années 1970. On n'en revenait pas. Vous deviez bien vous marrer ! Toute une époque. J'ai eu du mal à reconnaître Charlie sur le coup.
Évidemment, à la fin du banquet, les tontons bourrés sont venus nous jouer du : "c'était mieux avant". Ils nous ont tenu le crachoir deux heures pour nous dire qu'on ne pouvait plus rien dire. Et ont fini par faire tourner leurs serviettes en chantant : "On peut rire de tout".
Sinon, ça fait un bail qu'on n'a pas vu les surdoués Catherine et Luz. Je crois qu'ils étouffaient un peu par ici. Ils ont emménagé du côté de la BD. Ils avaient besoin de grands espaces.
Voilà pour les nouvelles. Je te laisse. Ça va être l'heure du bouclage et j'ai encore quelques dessins à envoyer.
Je t'embrasse."
Programmation musicale
- CHAVELA VARGAS – La llorona
- ALAIN SOUCHON – Jaloux du soleil
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