Réalisatrice, productrice, mais aussi autrice, grande figure du féminisme, elle interroge le politique par le prisme de notre plus secrète intimité. Ovidie est l'invitée d'Augustin Trapenard.
- Ovidie Autrice, réalisatrice de fictions et documentaires, actrice française
Certains de ses livres comme Porno-Manifesto, In Sex We trust ou encore Libres ! Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels, récemment adapté en mini série pour arte ont fait date. Dans Les cœurs insolents, un roman graphique illustré par Audrey Lainé, elle revient sur son adolescence entre exaltations, premières fois, misogynie et violences qui passaient autrefois pour ordinaires. Ovidie est dans Boomerang.
Augustin Trapenard : Se voir ainsi dépossédée de son image, c'est ce que vous dites comme expérience. Quelle violence est ce que c'est ?
Ovidie : "J'ai vraiment parfois l'impression quand je lis des articles sur moi et surtout ma page Wikipédia, qui est au-delà du réel et qui est fausse, que tout le travail que je peux faire depuis quinze ans, que je réalise des documentaires pour le service public, des documentaires radio de télé, etc [est effacé].
En revanche, ils vont passer 10 lignes à se poser la question : "est-ce qu'elle met des préservatifs ou pas ?" C'est complètement fou. Quand je lis ce genre de choses, je me dis que ce n'est pas de moi dont il est question.
J'ai une double identité, il y a Ovidie, le personnage que j'ai crée et moi. Donc, il faut vivre avec cette double identité. Mais il y a en plus cette Ovidie qui se divise en deux, qui est celle que les gens retiennent."
Je me dis mais quelle image ! Si je crève là, demain, qu'est-ce que je vais laisser ?
Sur cet élément de votre passé qui est mis en lumière, qu'est-ce que ça dit du regard qui est encore porté sur les femmes, sur leur corps, sur leur sexualité ?
"Ça dit qu'il faut punir les femmes comme moi et que même vingt ans après, j'ai quand même le double de l'âge que j'avais au moment où j'ai arrêté.
En fait, ce qui me blesse, c'est que c'est comme si le reste n'existait pas, alors que quand même, j'ai taffé ces 15 dernières années, j'ai vraiment taffé ! C'est comme si tout ça n'avait aucune valeur parce que la seule chose à laquelle je peux être ramenée, c'est ma corporéité."
Vous dites que vous êtes peut être une hétérosexuelle par défaut. Qu'est-ce que ça veut dire, ça?
"Ça veut dire que dans les années 90, je pense qu'on est un certain nombre de femmes du même âge à avoir vécu ça. C'est que l'homosexualité féminine n'était pas représentée. Et la seule représentation à l'époque, c'était "Gazon maudit" avec Josiane Balasko. Ce qui était une représentation qui, moi, ne m'intéressait pas.
En tant que jeune fille, je n'avais pas envie d'être comme ça. En fait, c'était pas mon modèle. Et vu que c'était complètement absent de nos représentations culturelles, il n'y avait pas de choix."
Vous écrivez que la jeunesse a compris aujourd'hui que le terme sexualité n'était pas une histoire d'orientation, mais un véritable régime politique et qu'un autre monde est possible. Quel monde ?
"Un monde où on met à mal ce régime politique, où on essaye en tout cas de le destituer. Ce que j'entends par régime politique, c'est que l'hétérosexualité, au-delà de notre orientation sexuelle, c'est un mode de fonctionnement.
C'est ce qui fait qu'on va avoir de la sexualité partout, jusque dans les abribus.
C'est ça, en fait, l'hétérosexualité, c'est aussi un système.
L'hétérosexualité, c'est le socle même de notre société quelque part. Et tout ça est remis en question. Moi, je le vois auprès des jeunes gens au lycée ou même quand je donne des cours à la fac, et je vois qu'ils sont déjà à mille kilomètres de ça !"
Mais si on est honnête, cette jeunesse n'est pas homogène. Et l'homophobie, on la voit tous les jours. Elle est loin d'avoir disparue. Elle continue de tuer. Face à ce constat, comment est-ce qu'on peut en croire qu'un autre monde est possible ?
"OK, c'est un milieu social particulier. Les gens que je vois, que je fréquente, viennent plutôt de la middle class, etc. Mais c'est aussi le milieu dans lequel j'ai grandi. Et je peux vous assurer qu'à ce moment-là, on ne parlait ni d'homophobie, ni de sexisme, ni de harcèlement, ni de de slut shaming, ni de quoi que ce soit.
Ça prouve qu'il y a quand même une évolution. Mine de rien, puisque ce milieu-là n'est pas homogène, les jeunes, ne sont pas un seul et même groupe social. Mais déjà, à milieu social égal, je vois déjà une évolution au sein de ce milieu-là.
Je ne suis pas sociologue, anthropologue non plus. Je dis simplement que moi, je perçois à mon petit niveau, des indices, que les choses s'améliorent et j'ai envie de croire que les choses s'améliorent."
Se peut-il que la disparition de votre frère ait aussi provoqué en vous l'apparition d'un devoir qui serait le devoir de vivre pour deux ?
"Je considère que j'ai ce devoir de vivre pour deux, puisque j'ai compris très jeune, dès l'âge de 16 ans, qu'on pouvait crever jeune et que j'avais une exigence envers moi de ne pas perdre de temps.
Ce qui fait peut être aussi que j'ai vachement bossé. Je pense que j'ai ce devoir de meubler ma vie au maximum, sans temps mort."
Mais mon corps, est une forme de mausolée sororal, il est en moi et je vis pour lui.
Carte blanche
Pour sa carte blanche, Ovidie a écrit un texte dans lequel elle s'adresse à celle qu'elle était à 16 ans.
Programmation musicale
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