Annie Ernaux et David Ernaux-Briot : "L’écriture est un hors-champ, un invisible"

Pour "Les années Super 8", leur premier documentaire, présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, ils ont réuni des images d’archives tournées avec la caméra familiale entre 1971 et 1982. Il en résulte un film vibrant où s'entremêlent l'intime, le politique et l'universel. Annie Ernaux et David Ernaux-Briot sont dans Boomerang.

Extraits de l'entretien

"Ressortir des images réelles et les prendre comme le support d’un récit, c’est finalement les garder et les conserver."

"Le malaise de transfuge se cache évidemment dans une famille. Ma mère était porteuse d’une classe, et j’étais d’un autre côté. Je n’étais pas une "transfuge", car le mot n’existait pas : j’étais simplement, dirait-on, une femme qui avait réussi."

"Dans les années 1970, on était très individualistes : dès qu’un regard de caméra se posait sur nous, on était gêné. Maintenant, on filme très facilement et je crois que ça nous rend étrangement plus proche des autres."

"Filmer avec des Super 8, c’était donner une fiction en spectacle. On invitait même des gens parfois, pour se donner à voir."

"L’image est globale. Elle est donnée en un tout alors que l’écriture, elle, détricote et montre tout ce qu’on ne voit pas. L’écriture, c’est un hors-champ, un invisible, car on ne perçoit point les pensées des gens."

"J’ai commencé à écrire en clandestine. Mon mari me prenait pour une écrivaine ratée. Je n’avais pas envie de ce regard en me remettant à écrire. J’ai donc commencé avec ma jeunesse et le sentiment de déchirure par rapport à mon milieu."

"Écrire, c’était d'abord m’éloigner de mon mari, m’éloigner du monde qu'il représentait, et de ma belle-famille. […] Je crois qu'il m’a fallu être seule pour écrire réellement"

"En faisant des images, on recherche toujours la beauté. On filme les choses parce qu'elles passent et disparaissent."

Programmation musicale

• JOE DASSIN - L'ÉTÉ INDIEN

• LIZZO - ABOUT DAMN TIME