

Biographe de Paul Valéry, Jacques Derrida, ou Agatha Christie, il est surtout connu en tant que scénariste de BD avec sa série "Les cités obscures", et comme grand spécialiste d’Hergé, Jiro Tanigushi ou encore Chris Ware. Benoît Peeters est l'invité d'Augustin Trapenard.
- Benoît Peeters Écrivain, scénariste de bandes dessinées et éditeur
Il vient de faire paraitre un livre sur 50 moments clés de l’histoire de la BD, et sera présent dès jeudi au 49ème Festival d’Angoulême. Benoît Peeters est dans Boomerang.
Extraits de l'entretien
La guerre
"Un pays libre est un pays dans lequel il est impossible que la paix, ou la guerre, soit le fait d'un seul être. C'est un pays dans lequel personne n'admet, personne ne conçoit que la paix, ou la guerre, puisse ne dépendre que de l'humeur, des nerfs, de l'idéal, de la sombre méditation d'un homme [...].
Il suffit à cet homme d'un acte insignifiant, aussi simple que de presser un bouton ou de tourner un commutateur pour mettre le feu à l'Europe et déchaîner sur des millions d'hommes des mots incalculables et d'extrêmes calamités. Nous luttons contre l'absurde." Interrogé sur ces mots de Paul Valéry le 1er janvier 1939 sur la radio nationale Benoit Peeters admire le courage de l’écrivain, insiste sur la nécessité de nuance, et appelle à distinguer le peuple russe de son dirigeant.
L’auteur de BD ajoute : "Sur le conflit en Ukraine, nous sommes dans la sidération, dans la tristesse. Et on a besoin de beaucoup d'énergie pour se dire que ça vaut le coup de se remettre à la page qu'on est en train d'écrire, ou de dessiner. Ça vaut la peine de boucler notre valise pour partir au festival d'Angoulême, faire des découvertes, aller d'expositions en expositions. On en a besoin. On le voit à toute la mobilisation des artistes ukrainiens, et des artistes de partout, pour réaffirmer la culture comme une nécessité."
Le BD le média idéal pour raconter la guerre
Peut-être parce que la bande dessinée évite la représentation directe et littérale, la guerre est un sujet extraordinairement bien traitée. Benoit Peeters donne des exemples : "La guerre d'Alan, d'Emmanuel Guibert est un livre qui se situe dans l'après, dans la remémoration". Il propose aussi : "Le très bel album récent de David Sala Le poids des héros, sur les traces laissées chez un enfant par l'héroïsme de ses grands-parents pendant la guerre d'Espagne. D’ailleurs, la puissance du médium s’applique pour les mêmes raisons à l'érotisme en bande dessinée qui semble avoir infiniment plus de finesse que beaucoup de représentations littérales".
A l’origine de la BD
Certains font remonter l’origine de la bande dessinée à la grotte de Lascaux, à la tapisserie de Bayeux ou à la colonne Trajane. Mais Benoit Peeters ne croit pas à cette hypothèse. "Dans les années 1830, explique-t-il, l'artiste suisse Rodolphe Töpffer se destine à la peinture. Comme il a les yeux fragiles, il va mélanger son talent d'acteur, puisqu'il faisait un peu de théâtre, son talent de caricaturiste, et son talent d'écrivain. Il crée une forme nouvelle : la littérature en estampes.
Et Töpffer, à travers "Monsieur Jabot", "Monsieur Crépin", "Docteur Festus" pense qu'il a inventé un nouveau genre. Son premier lecteur est Goethe. Alors très âgé, déprimé, il reçoit les manuscrits, et rit aux éclats. Il trouve ces livres fabuleux et dit qu’il faut les publier. Ces petits livres arriveront à Paris, où ils seront traduits, imités, et "piratés"…"
L'apparition de la bulle
Les phylactères sont plus anciens puisqu’on en trouve au Moyen-Âge. Mais pour Benoît Peeters, la bulle dans la bande dessinée, surgirait en 1900, aux Etats-Unis, à l’époque de la seconde naissance de la bande dessinée avec des auteurs absolument géniaux, comme Winsor McCay qui crée Little Nemo in slumberland.
Quel rôle joue la bulle ? Benoit Peeters explique : "C'est le contraire d'un commentaire. La bulle raconte autre chose que l'image. Elle introduit l'humour, la distance, la mémoire . On la retrouve un peu partout dans l'histoire de la bande dessinée, avec des usages les plus variés, même s'il y a aussi des bandes dessinées muettes. Il n'y a pas de raison aujourd'hui d'enfermer la bande dessinée dans un seul style, un seul langage ou un seul public, et certainement pas dans une bulle."
En BD, tout se joue entre les cases
Le détour fait partie du langage de la BD. Pour Benoît Peeters cela vient du besoin de mettre un monde dans de petites cases qui coexistent sur les pages et dans le livre. "Et à travers tout cela, de susciter en permanence l'imaginaire. On dit souvent que l'essentiel de la BD se passe entre les cases. J'ai parlé dans un texte de cases fantômes, de cases que le lecteur croit avoir vues. Je me souviens de notre album La Tour avec François Schuiten dans lequel on ne montre jamais cette tour. Et quand on demandait aux gens l’image qui les avait frappés : il répondait, La tour ! La bande dessinée est un langage très différent de la peinture."
Une BD en évolution
Comme la BD évolue-t-elle ? Benoit Peeters explique qu’il la vue évoluer et "s'ouvrir à tous les territoires comme la non fiction, s’ouvrir à une forme de poésie, à une couleur qui peut triompher, comme chez Brecht Evens ou Lorenzo Mattotti. Je l'ai vu se féminiser, et abolir ses limites…" La BD d’aujourd'hui s’internationalise et traite de vraiment tous les thèmes.
Surtout, précise l’auteur de BD : "Le 9e art peut atteindre l’émotion. Ce n’était pas gagné ! Hergé, dans une période de doutes et de dépression, comme il en a connu, se désespérait. Il disait que la bande dessinée ne correspondait plus à son évolution, qu’elle ne pouvait pas traduire l'homme qu’il était, qu’elle n'atteignait pas l'émotion fine. Quelques années après, il publie Tintin au Tibet un album qui arrache des larmes aux adultes et aux enfants."
La suite est à écouter...
Carte blanche
Pour sa carte blanche Benoît Peeters a écrit un texte inédit : "La BD va mieux, mais les auteurs sont de plus en plus fragiles !"
Programmation musicale
- ALAIN SOUCHON – IL Y A D’LA RUMBA DANS L’AIR
- NOVEMBER ULTRA – LE MANÈGE
Programmation musicale
- 09h26
Y'a d'la rumba dans l'air Alain SouchonY'a d'la rumba dans l'airSouchon, Voulzy
Album Alain Souchon (Best of) (1977)Label RCA - 09h38
Le Manège
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