

Joe Sacco n'est pas un auteur comme les autres, c'est un journaliste qui dessine. Après Palestine et Goradze sur la guerre en Bosnie, il livre ici, un récit sur les indiens du Canada. Un retour aux sources, où le terme "payer la terre" prend tout son sens.
- Joe Sacco Journaliste et auteur de bande dessinée
Joe Sacco sépare la couverture de son livre en deux parties. En haut de la couverture, couleur sépia, couleur passée, des peuples autochtones. On les voit couper du bois pour faire du feu. En bas, grisé noir, du matériel d'extraction. La nature, sa simplicité et la complexe industrie.
Comment les deux cohabitent aujourd'hui ?
C'est tout le propos de l'enquête de Joe Sacco. Il emmène le lecteur à la découverte de ceux dont on ne parle jamais mais qui ont des choses à dire.
Je suis venu au monde dans un bateau en peau d'orignal

Paul Andrew est un homme âgé. Il décrit ce qu'était sa vie d'enfant. Habillé chaudement, la pêche, la chasse, les chiens de traîneaux, la vie en communauté où chacun oeuvre pour le bien-être de l'ensemble. C'était avant, quand la notion de propriété ne voulait pas dire grand chose à ces hommes des bois. La nature est restée en partie. Mais les chiens de traîneaux ont été remplacés par des motos-neige. Les machines sont arrivées. Les ambitions pétrolières et gazières ont transformé la communauté et les hommes ont quitté la forêt.
Joe Sacco reprend l'histoire des premiers peuples, la colonisation, le besoin d'argent, les combats aussi pour faire reconnaître ces communautés dans leur bon droit. Pas simple de s'y retrouver, mais on avance avec lui. On comprend aussi le mal qui a été fait. Comment les traditions ont disparu.
Ma mère nous a emmené à la plage avec mes frères. Elle pleurait.
Paul Andrew comme 150.000 de ses congénères ont été retirés à leurs parents pour aller à l'école. Là bas, ils ont été séparés, rasés, battus, évangélisés. Ils n'avaient plus de prénom, juste des numéros. Ces pensionnats ont duré jusque dans les années 90. Le gouvernement canadien et l'Eglise ont été reconnus coupables de génocide culturel en 2015. Un bien maigre lot au regard des conséquences.
Nombreux se sont réfugiés dans l'alcool et les drogues, ont reproduit les horreurs vécues au pensionnat dans leur famille. Aujourd'hui, les anciens tentent de redonner de la chair à leur peuple. Ils essaient de trouver le bon compromis aussi avec l'industrie pétrolière qui déforme les paysages et le besoin d'argent pour vivre.

Joe Sacco, un auteur à part dans le monde de la BD
Il fait du reportage, un art du dessin. Il y a ce trait, brut, dense, noir et blanc. Ceux qui témoignent sont la plupart du temps, sur fond noir, quand les illustrations elles, sont sur fond blanc. C'est une case au milieu d'un décor représentant plusieurs scènes de vie des autochtones. Son dessin n'a pas l'air comme ça, mais il est précis, réaliste, avec un accent tout particulier mis sur les regards, les visages.
Ceux qui parlent ne doivent pas être pris pour des personnages de fictions. Ils doivent être pris au sérieux. Les livres précédents de Joe Sacco furent aussi des documentaires. Et comme ici, Joe Sacco s'y est mis en scène. Il dis "je" pour expliquer ce qu'il va faire, dans quelle direction il va aller.
On n'est pas dans le côté subjectif du Gonzo journalisme mais on s'en approche. Il se caricature aussi. Grosses lèvres, gros nez, quand l'ensemble des protagonistes a les traits fins. Lunettes rondes blanches qui cachent ses yeux. C'est toute l'ambiguité de Joe Sacco. Il fait de la BD et du journalisme en même temps.
Payer la Terre chez Futuropolis est passionnant et donne à réfléchir sur ce que nous sommes vraiment.
Comment j'ai dessiné Payer la terre, la leçon de dessin de Joe Sacco
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