D'une histoire vraie d'un père aveugle, ancien délinquant, qui veut éviter la prison à son fils, Carlson et Blair tissent un roman graphique époustouflant.
C'est un roman graphique qu'on pourrait découper en plusieurs actes.
Acte 1 - Charlie est encore enfant quand débarque chez son père à Chicago, après le décès de sa mère. Le père de Charlie est aveugle. Il raconte à son fils qu'il l'est devenu à la suite d'un accident de chasse à l'adolescence.
Acte 2 - Quand il ne vend pas des assurances, le père de Charlie écrit sur les poètes, Dante, Virgil, Emerson.
Acte 3 - Charlie grandit dans little Italy au milieu de la mafia locale. A l'adolescence, il se rebelle, cambriole et se fait arrêter.
Il faut coopérer avec la police Charlie. Je ne veux pas que tu ailles en prison comme moi
Acte 4 - Le temps des explications. Matt raconte à son fils que lui aussi est tombé à son âge. Il a perdu la vue non pas lors d'un accident de chasse, mais lors du braquage d'une épicerie.
Acte 5 - La vie de Matt en prison. C'est le coeur du roman graphique. Matt y découvre un compagnon de cellule hors norme, Nathan Léopold auteur d'un horrible meurtre. Mais curieusement, ces deux là vont apprendre à cohabiter et vont s'aider mutuellement, au-delà de la lecture de la Divine Comédie de Dante et de l'apprentissage du braille. Entre les sons, les mots, les morts, Matt et Léopold apprennent à accepter ce qu'ils ont été et ce qu'ils sont devenus.
Une histoire vraie
David Carlson a découvert cette histoire incroyable en déjeunant avec son ami Charlie. Matt Rizzo, son père, fut le compagnon de cellule de Nathan Léopold junior, auteur d'un crime épouvantable en 1924 avec Richard Loeb, sur la personne de Bobby Franck, 14 ans. Les deux jeunes gens biens nés, qui rêvaient de crime parfait, ne doivent leur survie qu'à la plaidoirie de leur avocat. 12 heures sur deux jours. Il leur a évité la peine de mort. Richard est mort, assassiné en prison. Léopold lui, s'est impliqué dans l'instruction des détenus. Il est sorti de prison en 1958.
Un roman graphique condensé d'expérimentations graphiques
Il est parfois des bande dessinée comme des rapports amoureux. Il faut une attirance réciproque. Ce je ne sais quoi qui se joue entre votre œil, le dessin de couverture et ensuite le propos. Ce moment où vous faites vraiment connaissance avec le livre. Ici, c'est du noir et blanc, hachuré à la plume, avec les yeux d'un homme caché derrière des lunettes noires, grillagées. Ce dessin là, et même la forme de certains passages du livre ne sont pas sans rappeler Moi, ce que j'aime, c'est les Monstres, d'Emil Ferris, Fauve d'or au Festival d'Angoulême en 2019. Avec ce dessin crayonné, dans tous les sens, où la finalité des traits donne un dessin puissant.
C'est de la BD américaine, mais pas dans la veine des super héros. C'est une BD qui cherche, qui invente des styles de narration. Parfois la planche et ses cases sont la bulle d'un personnage, parfois ce sont des ombres chinoises. L'Accident de chasse est un condensé d'expérimentations graphiques. Ca peut dérouter. Mais la lecture reste fluide. Au-delà du propos ce livre dense est une oeuvre d'art.
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