« Le soleil se couchait dans un ciel d’octobre, d’un gris clair, strié à l’horizon de minces nuages. Renée, penchée en avant, la main appuyée sur la portière basse de la calèche, regardait dehors, éveillée du rêve triste qui, depuis une heure, la tenait silencieuse. Tout Paris était là. Et, avec une moue de dédain, elle dit à Maxime :
- Oh ! je m’ennuie, je m’ennuie à mourir.
- Sais-tu que tu n’es pas gaie ? dit tranquillement le jeune homme. Tu dépenses plus de cent mille francs par an pour ta toilette, tu habites un hôtel splendide, tu as des chevaux superbes, tes caprices font loi, et les journaux parlent de chacune de tes robes nouvelles comme d’un événement de la dernière gravité ; les femmes te jalousent, les hommes donneraient dix ans de leur vie pour te baiser le bout des doigts…
Elle fit, de la tête, un signe affirmatif, sans répondre.
- Avoue carrément que tu es une des colonnes du Second Empire ! reprit Maxime avec une vivacité comique. Partout, aux Tuileries, chez les ministres, chez les simples millionnaires, en bas et en haut, tu règnes en souveraine. Et tu t’ennuies ! Mais c’est un meurtre ! Bon Dieu, tu as tout, que veux-tu encore ?
Renée leva la tête. Elle avait dans les yeux une clarté chaude, un ardent besoin de curiosité inassouvie.
- Je veux… autre chose, répondit-elle à demi-voix.
- Mais puisque tu as tout ! reprit Maxime en riant, autre chose, ce n’est rien ! Quoi, ‘autre chose’ ?
- Quoi ? répéta-t-elle…
Et elle ne continua pas. Elle s’était tout à fait tournée, elle contemplait l’étrange tableau qui s’effaçait derrière elle. La nuit était presque venue ; un lent crépuscule tombait comme une cendre fine. Tout allait en se mourant.
Cette jeune femme qui traverse Paris en calèche s’appelle Renée Saccard…
Et elle est l’un des personnages principaux de La Curée , le 2ème roman de la saga des « Rougon-Macquart », signée Emile Zola …
Ecrite entre 1871 et 1893, cette fresque regroupe 20 romans qui racontent l’histoire d’une même famille sur 5 générations...
Tout est passé au crible de la plume de Zola, qui observe et dissèque les hommes dans leur lutte acharnée pour avoir une place dans le monde…
Certains de ces ouvrages, rattachés au « mouvement naturaliste », sont aujourd’hui devenus des classiques :
- Germinal , évidemment, que nous lirons dans 15 jours…
- L’Assommoir , le premier grand succès public de Zola, que nous allons parcourir la semaine prochaine…
- Mais ce soir, place à La Curée , roman social et roman d’amour qui nous plonge dans le Paris du Second Empire, celui d’Haussmann mais aussi celui des spéculateurs les plus féroces…
L’un d’eux veut tirer son épingle du jeu : il s’appelle Aristide Rougon…
Originaire de Plassans, il monte à Paris avec une seule obsession en tête : faire fortune… Et il va y parvenir, en prenant part à des opérations financières douteuses, et surtout en épousant Renée, une riche aristocrate qu’il conduira à sa perte…
Elle sera l’une des nombreuses victimes collatérales de ce vaste système humain qui ne vit que pour l’argent… Zola décrit ici des hommes qui se jettent dans « la curée » comme des chiens, se disputant la carcasse d’un gibier abattu…
programmation musicale
« L’ARGENT » par CHANSON PLUS BIFLUORE
« L’AIR DE DARDANO » de Haendel par NATHALIE STUTZMAN
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