

Manifester sur Internet : le concept n'est pas nouveau et est déjà utilisé depuis des années par des ONG ou des associations. Mais que signifient vraiment ces mobilisations ?
L'idée d'une manifestation "virtuelle" peut paraître incongrue, bizarre, voire inefficace, mais il faut aussi savoir deux choses :
- Ces mobilisations peuvent avoir une véritable influence. Très récemment, on a pu voir leur effet dans l'affaire du sketch homophobe de Cyril Hanouna, où c'est notamment la forte mobilisation sur Twitter qui a poussé des entreprises à se retirer des espaces publicitaires de l'émission.
- La mobilisation virtuelle permet, comme certaines manifestations réelles d'ailleurs, de réaliser une démonstration de force, de compter les rangs mais aussi de montrer qu'un sujet fait bouger un certain nombre de personnes, qu'on peut voir et surtout afficher.
On ne se moquera donc pas ici des manifestations sur Internet, qui peuvent être de véritables méthodes de mobilisation. Et c'est d'ailleurs ce qu'a fait la France Insoumise cette semaine : en marge du sommet de l'OTAN à Bruxelles, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon appelait à une "manifestation en ligne" le jeudi 25 à 10h.
Pour résumer, il s'agissait de poster le plus possible de tweets avec le mot-dièse #FIpourlapaix en un minimum de temps, pour rappeler l'engagement du mouvement pour une sortie de l'Otan et donner à cette proposition une visibilité importante. Objectif largement rempli, selon les responsables de sa communication.
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On le voit ici, le principal intérêt de la manif en ligne, c'est l'image qu'elle donne, l'effet de foule. Et c'est vrai que ça en jette, comme ça, de dire qu'on a été le sujet le plus débattu Twitter... Sauf qu'en fait, ce n'est pas vraiment le cas.
"Le plus débattu", non, mais le plus affiché
Petit rappel : les tendances Twitter sont un outil de statistiques du réseau social, affiché en tête de gondole sur la page d'accueil du site, qui vous montre les mots-clés les plus repris. En bref, plus un mot-clé apparait en un minimum de temps, plus Twitter considère qu'il s'agit d'un sujet de conversation qui intéresse sa communauté.
Mais ici, l'intérêt revendiqué des utilisateurs de Twitter pour le mot-dièse #FIPourLaPaix est... totalement artificiel. L'utilisation du mot-dièse est calculée et surtout coordonnée. Les militants étaient non seulement invités à tous l'utiliser au même moment, mais en plus la France Insoumise leur proposait différents moyens de le faire, parfois sans même lever le petit doigt. Le site Internet du mouvement proposait ainsi de s'inscrire la veille sur un site permettant de poster automatiquement un tweet contenant le fameux mot-dièse au jour et à l'heure de la manifestation. Mais aussi des tweets pré-écrits, publiés en deux clics sur votre compte. Autant de moyens de simplifier la procédure et donc de faciliter la mobilisation massive.

Résultat : la conjugaison de ces différentes méthodes a permis de saturer l'algorithme des tendances de Twitter, et donc d'y remonter (un peu artificiellement). En revanche, ce n'est absolument pas "le sujet le plus débattu sur Twitter" puisqu'il n'y a en réalité pas de vraie discussion sur le sujet. Si l'on devait comparer à une manifestation réelle, ce serait plutôt comme déployer une large banderole (virtuelle).
De même, les "plus de 10.000 tweets" revendiqués ne veulent pas dire grand-chose non plus : un même compte peut poster plusieurs tweets sur le même sujet, et Twitter ne fait aucune différence entre les tweets positifs ou négatifs sur un sujet (or des opposants peuvent aussi utiliser le mot-dièse pour critiquer la mobilisation). C'est un peu comme si, au lieu de compter le nombre de manifestants dans la rue, vous comptiez le nombre de mots prononcés par chacun d'entre eux.
C'est évidemment tout à fait intéressant à observer et à montrer : la France insoumise peut ainsi revendiquer (à juste titre) une large capacité de mobilisation. C'est d'ailleurs tout l'intérêt d'une manif, y compris dans la rue. En revanche, c'est un peu frustrant puisque ça ne dit pas grand chose de la réelle popularité de ses thèmes sur Internet, ni sur la réelle diffusion des idées du mouvement au-delà du cercle des militants.
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