

Mohamed El Khatib, après la mort de sa mère, a traversé l'Espagne et la France dans une très vieille voiture, pour se rendre au Maroc et toucher un mystérieux héritage. Dans un documentaire à voir gratuitement sur Tënk, il met des mots sur son chagrin. Le deuil et le rire se tiennent la main...
Avec un titre pareil, on s’attend à un reportage économique, qui raconterait l’histoire d’un modèle de bagnole légendaire. Pas du tout ! On est ici dans le registre de l’intime. "Renault 12" est le premier documentaire de Mohamed El Khatib, auteur et metteur en scène de théâtre. Il y raconte son long voyage en voiture vers le Maroc, après la mort de sa mère. Grâce à un partenariat entre Tënk et France Inter, ce très beau film est à voir gratuitement jusqu'au 24 janvier (en cliquant ici).
Avant de traverser toute la France et l'Espagne, il va falloir démarrer… C’est qu’elle a un certain âge, la Renault 12 ! On comprend assez vite que dans cette voiture à la carrosserie marron et au charme désuet, qui date de 1973, le road trip sera décalé. Mohamed El Khatib, en voix off, explique le trajet à sa fille, en faisant rouler une petite voiture sur une carte routière. Sa fille s’en fiche, puisqu’elle n’a même pas deux ans. Mais l’envie de transmission est belle et très touchante.
Des mots sur le deuil
Mohamed El Khatib avait déjà fait un spectacle de théâtre sur la mort de sa mère, intitulé "Finir en beauté". Il poursuit ici sa réflexion sur le deuil. Il parle des objets qui racontent le manque de quelqu’un et du grain de voix qu’on finit par oublier. Il qui montre à sa fille une cassette de la chanteuse Oum Kalthoum. Elle était restée dans le radiocassette de sa mère, à Tanger. Alors il écoute cette cassette en voiture, bien sûr. Combien de temps ça dure, un deuil ? Toute une vie, sans doute. En Espagne, il se filme, avec sa Renault 12, devant un beau moulin à vent et devient Don Quichotte.
Ce documentaire est pétri d’humour et de désinvolture. Par exemple lorsque Mohamed raconte les obsèques de sa mère : il s’est aperçu que l’imam envoyait des SMS, discrètement, tout en lisant des sourates. Quand il a vu que le fils de la défunte l’avait grillé, hop il a rangé son téléphone dans sa djellaba.
Bien sûr que le deuil n’empêche pas la légèreté. Quand les cœurs sont à vif, le rire a droit de cité. Notamment grâce au cousin marocain. Il est comédien. En apprenant que Mohamed tourne un film, il se précipite : il veut un rôle. Il faut absolument l’embaucher ! Et Mohamed El Khatib de lui expliquer que non, il n’aura pas de rôle puisque c’est un documentaire, qui raconte la réalité. "Mais je suis la réalité", rétorque le cousin !
Les frontières du réel
Est-on vraiment sûr que ce ne soit pas une fiction, d’ailleurs ? Mohamed El Khatib brouille volontiers les frontières. Une scène troublante : il est chez sa sœur, elle l’accueille chaleureusement, et ensuite le ton change :
Il faut que tu arrêtes de faire ta carrière sur le dos de notre mère ! L'amour, c'est pas une autorisation de tournage.
C'est ainsi que le récit intime est interrogé, bousculé. Mais on découvre dans le générique de fin que c’est une comédienne qui joue ce rôle, et pas la vraie sœur ! Mohamed El Khatib joue avec son spectateur. Il joue comme un enfant. Un enfant qui pleure la mort de sa maman. Il a recopié dans un petit carnet cette phrase de Roland Barthes :
Je ne suis pas en deuil. J’ai du chagrin.
"Renault 12", de Mohamed El Khatib (durée 1h30) : à voir gratuitement sur Tënk jusqu'au 24/01/2022.
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