Un documentaire très clair, à voir sur Arte, détaille les mécanismes cérébraux qui expliquent pourquoi nous réagissons si peu, collectivement, face au réchauffement climatique. Biais d'optimisme, biais de confirmation, effet spectateur : autant de mécanismes cérébraux qui expliquent notre inertie.
Face à l’urgence climatique, pourquoi ne parvenons-nous pas à changer nos modes de vie ? Il faut bien le reconnaitre : nous avons du mal, collectivement, malgré le constat alarmant du réchauffement de la planète, à modifier vraiment la façon dont on consomme, dont on vit, dont on se déplace. La réponse à la question est dans le titre d'un documentaire que je vous recommande, en ligne sur le site d'Arte : « Climat : mon cerveau fait l’autruche ». En 52 minutes, ce film de Raphaël Hitier et Sylvie Deleule explique les mécanismes psychiques qui nous aveuglent et nous paralysent.
Distorsion de la réalité
Notre cerveau fait l’autruche, il met la tête dans le sable. Dans un langage un peu plus scientifique, on appelle cela des biais cognitifs. Ce sont des phénomènes inconscients de distorsion de la réalité. Le plus évident est notre difficulté à évaluer les menaces trop lointaines. Le délai entre les causes et les conséquences trompe notre cerveau.
Le documentaire donne la parole à des neuroscientifiques du monde entier, parmi lesquels le français Albert Moukheiber. Tous et toutes sont d’une grande clarté et donnent des exemples concrets.
Autre mécanisme cérébral : le biais de confirmation. Nous avons tendance, sans le savoir, à ignorer les messages qui contrarient nos convictions. Notre cerveau les traite différemment. Voilà pourquoi il est bien plus compliqué de changer d’avis que de confirmer son propre avis. On peut aussi citer le biais d’optimisme, très répandu : de nombreux travaux de recherche ont mis en évidence une tendance de l’être humain à plutôt s’attendre à des événements positifs que négatifs. Voilà qui pousse à faire l’autruche.
Plombés par l'effet spectateur
Et puis il y a les gens autour ! Dans les années 1960, deux chercheurs américains en psychologie (Darley et Latané) se sont penchés sur la manière dont nos comportements, notamment en cas de danger, sont influencés par les autres. Quand quelqu’un croit assister à un malaise (qui est en fait simulé par un comédien, dans l’expérience en question), il réagit plus vite s’il pense être le seul témoin. Plus les gens susceptibles d'intervenir face à un danger sont nombreux, plus on se sent autorisé.e à ne rien faire. Car les autres peuvent agir notre place. C'est ce qu'on appelle l'effet spectateur.
La chercheuse Peggy Chekroun a montré que l'effet spectateur s'applique aussi aux enjeux environnementaux. Elle en effet transposé l’expérience de Darley et Latané dans un espace vert, en demandant à quelqu’un de jeter un détritus par terre. Résultat : plus les témoins de la scène sont nombreux, plus l’auteur du geste a de chances de s’en sortir sans remontrance. Nous sommes plombés par l’effet spectateur : on attend de voir ce que les autres vont faire. Notre cerveau peine à prendre l’initiative de comportements plus vertueux pour l’environnement. L’inertie des autres vient inhiber notre envie de changer.
Tout ne se joue pas seulement dans nos têtes, évidemment. La réponse à la menace climatique relève d’un changement profond des politiques publiques. Mais il est précieux de savoir que nous sommes piégés par notre cerveau, et de comprendre comment il nous joue des tours. D’où l’intérêt de ce documentaire. Savoir et comprendre pour sortir la tête du sable.
« Climat, mon cerveau fait l’autruche » : à voir sur le site d’Arte jusqu'au 10/05/22.
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