Comme tous les mois, France Inter et la plateforme Tënk vous permettent de visionner un documentaire gratuitement pendant une semaine. Ce mois-ci, "Le Chant du Styrène" d'Alain Resnais.
Alain Resnais, à qui l'on doit Hiroshima mon amour ou Nuit et Brouillard, a réalisé en 1958 un documentaire qui n'était pas censé marquer les esprits. Et pour cause : il s'agissait d'un film promotionnel commandé par le groupe Pechiney.
Un court-métrage de 13 minutes censé vanter les mérites de la fabrication du plastique
Dis comme ça, ça ne donne pas franchement envie de regarder le film. Mais Alain Resnais est un génie capable de rendre sexy et poétique la pétrochimie. Et c’est là tout l’intérêt de ce film : voir comment le cinéaste se dépatouille avec le cadre imposé – un document publicitaire – pour en faire une œuvre à part entière.
Le voilà donc filmant d’énormes tuyaux, des moules et des composants chimiques en tout genre. En somme, tous les éléments qu’on retrouvait dans une usine Péchiney de l’époque. Mais chez Resnais, même les billes de polystyrène valent de l’or.
Pour raconter le plastique, le réalisateur a l’idée de partir d’un objet du quotidien
Puis de remonter le fil de son processus de transformation. En l’occurrence, il a choisi un bol et au fur et à mesure, ça nous amène au pétrole.
Et pour accompagner les images de ce court-métrage, Alain Resnais a demandé à Raymond Queneau d’écrire un texte inédit racontant l’histoire de la fabrique de ce bol à sa manière. Avec toute la poésie et la facétie qui le caractérise.
Ses mots nous permettent d’avoir un regard plus amusé et distancé sur ces grosses machines filmées en plan serré par Alain Resnais.
Le texte de l’écrivain n’est jamais interrompu par le bruit de l’usine puisque comme vous l’avez entendu, il y a de la musique tout au long du film. On n’entend jamais gronder ces machines qu’on imagine pourtant bruyantes. Pas un son de tous ces processus industriels dont on parle. Je vous avoue que c’est assez désarçonnant parce qu’on a l’impression de les entendre quand on les regarde. Le film se termine sur ces mots de Raymond Queneau que je voulais partager avec vous :
Il en est d’inconnus qui attendent encore un travail similaire pour faire le sujet d’autres documentaires.
65 ans après la sortie du film, ces mots nous interpellent. Parce qu’avec le numérique, nous pouvons dire que nous avons connu des bouleversements similaires.
Sauf que là où l’on pouvait filmer ces grosses usines à fabriquer du plastique, il est très rare de voir se matérialiser à l’image la révolution numérique.
On ne voit jamais à l’écran ces étendues de serveurs compilant toutes les données de l’humanité. Je suis sûr que si on les voyait plus souvent représentés, on prendrait conscience de la puissance et de la dangerosité vertigineuse de cette industrie.
Mais non, on continue de croire qu’elle est immatérielle. Donc presque irréelle. Moi je vous dis, il nous faut un Alain Resnais pour filmer Internet.
« Le chant du styrène » à voir sur Tënk gratuitement pendant une semaine. Pour y accéder, cliquez ici.
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