Documentaire : le procès de Lady Chatterley, sur Arte

Des comédiens interprètent les minutes du procès.
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Des comédiens interprètent les minutes du procès.  - Quark Production/ Arte France
Des comédiens interprètent les minutes du procès. - Quark Production/ Arte France
Des comédiens interprètent les minutes du procès. - Quark Production/ Arte France
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Longtemps censuré en Grande Bretagne car jugé trop obscène, "l'Amant de Lady Chatterley", de H.D. Lawrence, fut publié en 1960 au terme d'un procès retentissant. Ce procès est relaté dans un documentaire vif et éclairant, qui livre la vérité d'un immense roman.

« Orgasme et lutte des classes dans un jardin anglais » : voilà le sous-titre de ce documentaire formidable consacré au procès de l'Amant de Lady Chatterley, disponible sur le site d'Arte. Étonnant destin que celui de ce livre, écrit en 1928 par le Britannique David Herbert Lawrence. L’histoire d’une femme délaissée par son mari, qui vit une histoire d'amour torride avec son  garde-chasse. Un texte réputé sulfureux, pornographique, qui fut longtemps censuré en Grande Bretagne. Mais en 1960, trente ans après la mort de l’auteur, un éditeur décide de le publier.  Résultat immédiat : la couronne britannique attaque Penguin Books pour publication obscène. C’est un procès retentissant : la  Reine contre Lady Chatterley !

Un roman d'un victime d'un malentendu

Le documentaire raconte donc ce procès. La bonne idée, c’est d'avoir fait jouer certains passages par des acteurs. Ils sont filmés en plan serré, dans un fond noir, et ils donnent à entendre ce qui s’est dit à la barre, d’après les minutes du procès. On voit le procureur portant perruque, pincé et outré, expliquer aux jurés que cette histoire d’adultère va corrompre leurs femmes, leurs filles, leurs servantes. On voit des profs de littérature, un psychologue et même un curé, venus  défendre à la barre la vérité d’une œuvre. Parce que ce roman est  victime d’un malentendu, comme l’explique un autre écrivain, Sylvain Tesson :

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Un arbre a caché la forêt. L'arbre, ce sont les évocations érotiques, sensuelles, charnelles, parfois voluptueuses. Et Lawrence ne peut pas reprocher à ses lecteurs de connaitre certains émois. Mais c'est un malentendu, parce qu'on aurait grand tort de réduire l'Amant de Lady Chatterley à des histoires de gaudriole. C'est comme si on disait que Roméo et Juliette est une histoire d'escalade sur un balcon !

C’est un grand roman d’amour, mais aussi une ode sublime à la nature. Un livre qui dit le désir et le plaisir avec lyrisme et réalisme et qui tend une passerelle entre le printemps qui renait  dans la chair et celui qui se déploie sous les yeux de Constance Chatterley. C'est aussi un texte profondément politique, qui dépeint l’Angleterre des années 1920. Clifford Chatterley, le mari, revenu de la guerre estropié et impuissant, est un industriel propriétaire de mines. Lui et son épouse sont en désaccord sur la façon dont sont traités les mineurs.

Récit d'émancipation, enfin. C’est  bien cela que les censeurs n’ont jamais pardonné à Lawrence. En  découvrant le plaisir dans les bras d’Oliver, Constance découvre sa propre puissance, elle échappe à son destin et  prend le contrôle de sa vie. 

Une lettre d'amour à Frida

On apprend, dans le documentaire, que l'auteur s'est inspiré de son épouse, Frida, pour écrire "l'amant de Lady Chatterley". Car lui-même était malade : Lawrence souffrait de tuberculose. Il savait que sa femme allait voir d’autres hommes et il la soutenait. Le roman, finalement, peut être lu comme une lettre d’amour à Frida. Et  c'est à partir des descriptions que lui en a fait Frida que Lawrence a écrit les passages consacrés aux orgasmes de Lady Chatterley. Bref, ce livre est beaucoup plus que le récit d'un adultère entre une aristocrate et un prolétaire. 

Et qu'a donné ce procès, alors? Lady C, non coupable ! Les jurés, à l'unanimité, décident de lever la censure. Les Britanniques, évidemment, se ruent sur le roman. Les ventes s’envolent. Mais cela ne dissipe pas le fameux  malentendu. Car ce livre devient un manifeste de l’amour libre, en  quelque sorte la bible des sixties. Alors que son auteur dénonçait justement l'idée que l’on puisse prendre le sexe à la légère,  voilà qu'il est perçu comme le livre de la légèreté ! Attention, ce documentaire risque de vous donner envie de lire ou de relire d'urgence cet immense roman, dont la réputation sulfureuse a éclipsé  la force littéraire. 

Documentaire signé Mathilde Damoisel (52 minutes). A voir sur le site Arte.tv, ou la semaine prochaine, le 16 octobre, pour la diffusion à la télé. Le film de Pascale Ferrand avec Marina Hands, adaptation du roman, sera aussi diffusé le 16/10.