

Que mangeons-nous en avalant un cordon bleu ? Ce documentaire, très riche mais pas indigeste, examine les pratiques de l’industrie agroalimentaire. Et pour cela, les journalistes mettent la main à la pâte : avec l'aide d'un laboratoire spécialisé, ils fabriquent leur propre cordon bleu industriel.
C'est si facile à préparer. Et puis les enfants adorent ça. Autant vous prévenir, vous risquez de changer de regard sur le cordon bleu, en regardant ce documentaire d'Arte : "La grande malbouffe" (diffusé mardi 2 février à 20h50). Les auteurs de ce documentaire ont voulu en savoir plus sur ce produit emblématique de la nourriture industrielle. Le problème, c’est que l’industrie agro-alimentaire n’aime pas beaucoup dévoiler ses secrets. Grosse surprise, n'est-ce pas ? Alors Maud Gangler et Martin Blanchard ont eu une idée brillante : faire un cordon bleu eux-mêmes. Pour cela, les journalistes ont fait appel à un laboratoire spécialisé en recherche et développement, qui travaille avec les industriels du secteur. Et ils se sont lancés.
Une trentaine d'ingrédients
Le cordon bleu est typique des aliments ultra-transformés : un produit simple en apparence, mais en réalité très complexe. En théorie, cinq ingrédients sont nécessaires : une escalope, du fromage, du bacon, de la chapelure et un œuf. Mais ce cordon bleu ne se conservera pas plus de 48h. Et surtout, il coutera trop cher, aux yeux des industriels. Notre cordon bleu de laboratoire comprend donc une trentaine d'ingrédients.
Viande "agglomérée" et pseudo-fromage
Il est moins cher parce qu’il ne contient pas de viande, mais de la « préparation de viande » : un aggloméré, fait à base de cuisse, d’aile et de peau de poulet (ce n’est pas une escalope, donc). On y ajoute du dextrose, des fibres de blé qui donnent de la texture. Les fibres retiennent l’eau, c’est aussi une façon de gonfler le produit. Quant au fromage, même chose : c’est en fait une préparation fromagère, qui contient des additifs, pour la brillance et le fondant. En France, 330 additifs sont autorisés dans nos assiettes, mais ce qu’on mesure mal encore, c’est l’effet cocktail : les interactions entre ces additifs et leurs effets sur la santé.
Et le cordon bleu réalisé pour les besoins de cette enquête, qu’est-il devenu ? Eh bien il a inauguré une production en série. Avec sa préparation fromagère, sa viande agglomérée, ses additifs, l’équipe de « la grande malbouffe » a fabriqué 340 cordons bleus, et a même fabriqué un emballage, avec l’aide d’un photographe culinaire professionnel. Il fallait un nom à cette fausse marque : ce sera le « cordon mieux » !
La note de Yuka
L’intérêt, c’est qu’avec ce produit fini, les journalistes ont pu aller voir Yuka. C’est une application qui décrypte les étiquettes et note les produits en fonction de leur impact sur la santé : on scanne le code barre avec son téléphone et on obtient une note sur 100. Résultat, le « cordon mieux » a été noté… 30 sur 100. Une cata ! Produit trop salé, qui contient trop de graisses saturées et trop d’additifs.
Cette partie du documentaire est celle qui redonne de l’espoir. Car il est toujours possible, entre deux produits (même transformés), de choisir le moins pire, si je puis dire. En se basant sur le « nutriscore », qui figure sur l’emballage : une notre de A à F en fonction de l’équilibre nutritionnel. Ou grâce à une application comme Yuka. On apprend d’ailleurs dans ce documentaire que de nombreux industriels ont revu la composition de leurs produits pour être mieux notés. Vous avez peut-être vu passer cette pub pour une marque de soupe qui rime avec Zadig :
Chers Français, merci d’avoir râlé au sujet des soupes toutes prêtes. Merci d’avoir râlé sur leur composition.
La recette a donc changé. Résultat : moins d’arômes artificiels, moins de sucre et moins de sel dans la soupe en brique. Cette publicité, l’air de rien, est aussi un aveu : la marque reconnait avoir vendu de la malbouffe pendant des années. D’aucuns diront que la grille de notation des applications de type Yuka est imparfaite, parce que l’évaluation des additifs n’est pas toujours scientifiquement étayée. Mais ces applications ont le mérite d’exister et d’avoir du poids. Elle de faire trembler les industriels. Le plus sain étant évidemment d’apprendre à faire soi-même un cordon bleu maison, sans additif.
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