Un psychiatre reconnu coupable d'homicide volontaire après que l'un de ses patients a tué un inconnu dans la rue. Cette condamnation sans précédent est au cœur d'un remarquable documentaire diffusé sur France 2. Questions sur la façon dont la société pense et prend en charge la maladie mentale.
Un psychiatre peut-il être responsable d'un crime commis par l'un de ses patients ? Oui, a répondu la justice en mai dernier. Un documentaire, diffusé le 6 novembre sur France 2 à 22h55, est consacré à cette affaire : "Le psychiatre et l'assassin" (à voir en replay jusqu'au 13/11).
En 2008, un homme atteint de schizophrénie paranoïde sort de l'hôpital psychiatrique de Saint-Egrève, près de Grenoble, où il est interné. Il a une autorisation de sortie hebdomadaire. Il se rend dans une quincaillerie, achète un couteau et poignarde un homme qui passait par là : un étudiant de 26 ans, qui meurt quelques heures plus tard. Assez vite, le meurtrier est reconnu pénalement irresponsable. La justice estime que le trouble mental de cet homme a aboli son discernement. L'affaire pourrait s'arrêter là. Mais la famille de la victime décide de mener une longue bataille judiciaire. Le frère du défunt témoigne dans le documentaire.
C'est quelqu'un qui est hospitalisé d'office, c'est à dire que l’État le considère comme dangereux. Et on se rend compte qu'en gros, il sortait quand il voulait ; que quand il sortait, personne ne savait où il allait. On a vite compris qu'il y avait des dysfonctionnements dans l'hôpital et on a voulu comprendre ce qu'il s'était passé.
La plainte est classée sans suite à trois reprises. Et puis en 2016, le psychiatre – celui qui était responsable de l'autorisation de sortie du patient – est condamné à 18 mois de prison avec sursis, coupable d'homicide involontaire. La peine a été confirmée en appel en mai dernier. Le psychiatre en question, que l'on voit aussi dans le documentaire, est visiblement très affecté. Mais plus largement, c'est tout une profession qui est bouleversée par cette condamnation sans précédent. L'un de ses confrères, le docteur Daniel Zagury, ne cache pas son inquiétude.
Comment voulez-vous que des jeunes s'engagent dans une psychiatrie publique exsangue, dépourvue de moyens, avec le risque d'être reconnus comme pénalement responsables des actes commis par leurs patients ?
Ce documentaire est d'une remarquable subtilité. La famille de la victime, on le comprend vite, n'est pas dans une démarche de vengeance, mais dans une quête de la vérité : elle veut comprendre comment a été évaluée la dangerosité d'un homme qui avait déjà tenté à deux reprises de tuer des inconnus, pour ne plus que ça se reproduise. Les personnels soignants, qui craignent qu'on transforme les hôpitaux psychiatriques en prisons, ne prennent pas à la légère les dysfonctionnements qui apparaissent dans cette affaire. Mais ils rappellent que l'immense majorité des personnes souffrant de troubles mentaux sont plus dangereuses pour elles-mêmes que pour les autres. Depuis les années 1970, les asiles d'aliénés, très controversés, ont été fermés. L'hôpital psychiatrique est ouvert sur la cité et c'est important dans le processus de soin.
Agnès Pizzini, la documentariste, donne la parole à chacun avec beaucoup de respect et d'honnêteté. Voilà qui donne du grain à moudre pour réfléchir à la façon dont la société pense et prend en charge la maladie mentale. Et aux moyens qu'elle y consacre.
"Le psychiatre et l'assassin" : mardi 6 novembre 2018 sur France 2 à 22h55. Durée : 52 minutes. Disponible en replay jusqu'au 13 novembre.
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