Un documentaire à voir en replay sur France 3 interroge la relation entre les jeunes et la police dans les quartiers populaires. Il lève le voile sur la loi du silence dont sont victimes les policiers qui dénoncent les abus de certains de leurs collègues.
Ce documentaire a été diffusé sur France 3 Île-de-France mais mérite d'être vu partout : "Police, illégitime violence". Le point de départ, c'est une plainte inédite : des adolescents ont porté plainte collectivement contre une brigade de police. Contrôles répétés, violence, insultes, humiliations : ces gamins d'un quartier du 12ème arrondissement de Paris affirmaient être victimes de harcèlement. Avec l'aide des éducateurs de leur quartier, ils sont allés en justice en craignant les représailles (parce que les contrôles d'identité continuaient en attendant le procès). Trois policiers ont finalement été condamnés à cinq mois de prison avec sursis. Ils ont fait appel de cette décision.
Amalgames de part et d'autre
Le journaliste, Marc Ball, donne la parole aux jeunes, aux policiers et aux habitants du quartier, qui se plaignent de ces gamins qui traînent dans la rue. Mais il élargit son propos ensuite, et c'est tout l'intérêt de ce documentaire. En se gardant de tout sensationnalisme, il ausculte les relations entre la police et les jeunes des quartiers populaires : un lien de confiance rompue, des amalgames de part et d'autres, du ressentiment et de la frustration. Il donne à voir les mécanismes de cette violence sociale. Il montre comment le moindre contrôle d’identité porte en lui les germes d’un possible dérapage, une rébellion ou une bavure.
Loi du silence
Le plus saisissant, ce sont le témoignages des policiers qui remettent en cause les méthodes de leurs collègues. Des agents qui témoignent de façon anonyme, dos à la caméra, avec la voix modifiée. L'un explique que c'est la politique du chiffre qui nourrit le rejet de la police dans ces quartiers. On préfère mettre en garde à vue dix consommateurs de cannabis plutôt que de prendre le temps d'enquêter et d'interpeller un seul vendeur, parce que "c'est plus rentable." Un autre policier détaille ce à quoi on s'expose si on dénonce les contrôles au faciès et les abus de pouvoir :
Un policier qui remet tout ça en question se met en danger : ça va être des menaces ou une non-intervention sur une interpellation qui tourne mal. On va attendre trente secondes avant d'intervenir, le temps que celui qui a balancer se fasse bien casser la gueule, pour lui faire comprendre que s'il veut compter sur ses collègues, il doit se taire. J'ai vu des enfants d'origine africaine se faire traiter de "petits négros", de "Kit Kat", de "Kirikou". Les insultes fusent dès le plus jeune âge.
Les comportements indignes de certains policiers sont entourés d'un silence et d'un esprit de corps qui complique la tâche de ceux qui, au sein de la police, veulent que les choses changent. Mais en leur donnant la parole, ce documentaire, jamais manichéen, est d'utilité publique.
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