

Quand le ballet des grues devient du cinéma. Fanny Tondre a passé deux ans dans un chantier de construction d'une usine d'épuration d'eau, dans les Yvelines. Son documentaire en noir et blanc est à voir en replay sur France 2.
Qui diable regarde la télé à 1h10 du matin ? La nuit dernière sur France 2, dans la case « 25 nuances de doc », vous pouviez voir « Quelque chose de grand ». Heureusement, le replay permet de profiter de ce très beau documentaire à un horaire plus accessible.
Voilà un endroit par excellence "interdit au public". Un chantier colossal, gigantesque. Une usine d'épuration d'eau en construction, dans les Yvelines. Fanny Tondre y a passé deux ans, avec sa caméra. Elle s'est plongée dans ce monde d'hommes et son film est une pure merveille. Une alternance de scènes de chantier (qu'elle filme comme un ballet à la chorégraphie précise) et de témoignages, face à la caméra. Quatre hommes, quatre professionnels du béton, de quatre âges différents, racontent leur travail. L'un d'eux explique qu'il est "brut de décoffrage" : jamais l'expression n'a été aussi juste, on est parmi les coffreurs, ceux qui coulent des murs en béton. Un autre raconte comment il a été "attrapé" par le bâtiment et comment c'est devenu toute sa vie.
Ce qui est fascinant, c'est de voir à quel point ces hommes qui travaillent dur, sous la pluie, à des horaires terribles, qui ont tendance à jouer les durs sur le chantier, fendent l'armure face à la caméra et racontent leurs fragilités. Leur fierté de participer à cet grand ouvrage collectif est très touchante. Cet immense chantier mobilise des milliers de personnes et chacun, à son niveau, avec sa propre partition, est indispensable.
A mille lieues du clip promotionnel
Je vous rassure, ce n'est pas un film technique : il ne s'agit pas d'apprendre à couler du béton ou à piloter une grue. Pourtant c'est bien un groupe de BTP qui a en partie financé ce documentaire, sur une idée de l'architecte du bâtiment, Luc Weizman (que l'on aperçoit quelques minutes dans le film : il évoque la "sensualité" du béton et s'émerveille devant cette "cathédrale pour l'eau" qui est en train de sortir de terre.) Financé par une entreprise de BTP, cela aurait pu être un film d'entreprise, mais pas du tout. D'ailleurs Fanny Tondre filme aussi les engueulades et même un accident sur le chantier (un ouvrier qui s'entaille la main avec une meuleuse) : on est à mille lieues du clip promotionnel.
Un ballet en noir et blanc
Précision très importante : le film est en noir et blanc. Parce que Fanny Tondre déteste le fluo ! Des chasubles fluo et des logos criards, il y en a plein les chantiers. Le noir et blanc lui a permis de se concentrer sur les lignes, sur la lumière, sur l'architecture, et c'est une vraie réussite. Le travail de ces hommes, les corps qui ploient, la gestuelle des ouvriers, le ballet des grues deviennent ainsi du très beau cinéma.
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