

Sec ou gras, blanc ou coloré, long ou court, le cheveu concentre toute notre attention, tantôt indomptable, tantôt libre. Il participe à notre identité visuelle autant qu'à la société en tant que traduction des modes et des événements. Michel Messu, sociologue et ethnologue, nous présente les enjeux du cheveu.
- Michel Messu Sociologue, Docteur en lettres et sciences humaines
Dans le salon de Michel Messu
Michel Messu n'est pas coiffeur mais professeur honoraire de sociologie à l'Université de Nantes et fin ethnologue du cheveu quand il fait publier en 2013 aux éditions Fayard Un ethnologue chez le coiffeur.
En réalité, après un congrès à Montréal sur la mode où il avait proposé il y a quelques années une intervention sur la tignasse punk, Michel Messu s'est rendu compte du peu de travaux dédiés à la thématique du cheveu en général.
Armé non pas d'un peigne et d'une paire de ciseaux, mais bel et bien d'un stylo et d'ouvrages, il décide alors de tailler une nouvelle coupe aux cheveux dans les sciences sociales en leur accordant la place méritée !
Des ondes dans les cheveux
Pendant la période du confinement peu propice à ressentir le vent dans les cheveux, Michel Messu a constaté les modifications de nos habitudes capillaires.
La routine du brossage, lavage, lissage (dans certains cas) fut bien vite ébouriffée par les nouvelles temporalités : alors que le temps s'écoulait, les cheveux, eux, continuaient à pousser, à friser, à blanchir. Et ce sont une toute nouvelle image de soi et un nouveau rapport à notre crinière qui se sont révélés.
Il formule en ces termes :
La routine organisée autour du cheveu a été bousculée. Il a naturellement blanchi, poussé. Or, le cheveu sert toujours à signifier quelque chose pour le regard des autres. Durant le confinement, l’image que nous renvoyait le miroir ne correspondait pas à celle que l’on voulait donner. Il nous a rappelé que le temps passe mais, cette fois, nous ne pouvions pas le maîtriser. ( L'Humanité, 21.05.2020)
Ce résidu pileux qui nous rappelle notre appartenance au monde animal s'inscrit dans une très longue histoire sociale et culturelle. On note par exemple la présence dès l'Antiquité d'individus spécialistes de l'entretien capillaire comme le fait, d'autre part, que le cheveu ait été un agent discriminant du point de vue des sexes et des classes : durant l'époque moderne, il était facile de reconnaître par sa chevelure un paysan d'un aristocrate.
Le cheveu, par ailleurs, révèle quelques rites symboliques : de la première mèche de cheveux coupée aux enfants et conservées précieusement à la coiffure de la mariée qui suscite toute l'attention en passant des coupes relatives à certaines périodes charnières de notre existence.
Qu'elle soit conventionnelle ou dissidente, la chevelure renvoie aux problématiques sociales, raciales et culturelles à bien des égards : on pense notamment à la coupe "afro" arborée fièrement par Angela Davis.
Enfin, la coupe de cheveux reflète notre individualité comme l'explique Michel Messu toujours dans le même article de l'Humanité :
Dans cet individualisme mondialisé, nous cherchons aujourd’hui à donner de soi une image différente des autres. La norme ne vient plus de l’extérieur. Elle est une création de nous-même.
Et vous, quels sont vos rapports aux cheveux ?
N'hésitez pas à participer à l'émission en compagnie de Michel Messu en lui posant toutes vos questions : comment avez-vous vécu le confinement capillairement parlant ? comment votre coupe de cheveux a-t-elle évolué au fil des ans et des périodes ? quels symboles la chevelure évoque-t-elle pour vous ? le cheveu est-il un marqueur de dissidence sociale et culturelle ?
Pour participer
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Chronique
Isabelle de Gaulmyn pour La Croix hebdo
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