

Au cœur des enjeux écologiques, géostratégiques et humains de l’humanité, les grands fonds marins suscitent un intérêt croissant de la part de la communauté internationale...
- Alina Miron professeure de droit à l'Université de Poitiers, spécialiste du droit maritime
Alina Miron, juriste, développe la question des grands fonds marins dans les Chroniques littorales. De nombreux pays, concernant les grands fonds marins, se positionnent déjà sur leur exploitation. Les grands fonds représentent 88% du plancher océanique, soit une surface totale estimée à trois cent vingt millions de km2. Le volume total d’eau située dans la zone des grands fonds marins atteint 1 milliard de kilomètres cubes, ce qui équivaut à 75% du volume des océans. La mer Méditerranée présente près de 60% de grands fonds marins soit 1,5 millions de kilomètres carrés pour une surface totale de 2,5 millions de kilomètres carrés. Les grands fonds marins sont la nouvelle frontière de l’humanité, une frontière riche d’une vie insoupçonnée, à la différence des confins de l’espace. Sanctuariser, réguler ou a fortiori exploiter sans connaître n’est pas une solution. (source Fondation de la Mer)
L’autorité internationale des fonds marins et l’exploitation minière des grands fonds marins
L’océan profond situé au-dessous de 200 mètres est le plus vaste habitat disponible pour le monde vivant et le plus difficile d’accès. Le plancher océanique, comme l’environnement terrestre, est composé de chaînes montagneuses, de plateaux, de pics volcaniques, de canyons et de vastes plaines abyssales. Il contient la plupart des mêmes minéraux que ceux que l’on trouve sur terre, souvent sous des formes enrichies, ainsi que des minéraux qui sont uniques, comme les encroûtements ferromanganésifères et les nodules polymétalliques.
On connaît l’existence de dépôts minéraux dans les parties les plus profondes de l’océan depuis les années 1860. Dans Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne, le capitaine Nemo annonce qu’« il existe au fond des mers des mines de zinc, de fer, d’argent, d’or qui seraient très certainement facilement exploitables », prédisant que les ressources marines abondantes pourraient répondre aux besoins des êtres humains. S’il avait raison en ce qui concerne l’abondance des ressources, il s’est certainement trompé sur la facilité avec laquelle elles pourraient être exploitées.
Aujourd’hui, après des décennies d’oubli relatif, les possibilités d’exploitation commerciale des ressources minérales des grands fonds marins suscitent, de la part du secteur privé et des gouvernements, un regain d’intérêt dû essentiellement à des facteurs comme les avancées technologiques de l’extraction et du traitement des ressources des grands fonds marins et l’augmentation de la demande de minerais suscitée par la mondialisation et l’industrialisation dans le monde en développement. Les gisements minéraux terrestres sont soumis à des pressions croissantes dues aux besoins d’une population mondiale en constante augmentation, à une classe moyenne en pleine expansion qui accélère l’urbanisation et aux besoins de technologies propres, à faibles émissions de carbone. Facilement exploités, les gisements à haute teneur diminuent rapidement. Bien que de nouvelles ressources existent probablement dans la couche intermédiaire ou dans des lieux éloignés, l’exploitation minière de ces gisements terrestres nécessitera de grandes quantités d’énergie et auront des conséquences sociales et environnementales importantes. Certes, la réutilisation croissant des métaux permettra de préserver les ressources, mais ne suffira pas à satisfaire la demande future anticipée. Les ressources minérales des grands fonds marins pourront donc probablement contribuer de plus en plus au développement durable, en particulier pour les pays qui ne possèdent pas de sources d’approvisionnement sûres sur terre ainsi que pour les petits États insulaires en développement où les possibilités de développement économique manquent.
Les intérêts commerciaux sont actuellement centrés sur trois types de gisements minéraux marins. Les nodules polymétalliques, qui se trouvent dans les océans, reposent sur les fonds marins des plaines abyssales, souvent partiellement recouverts par des sédiments fins. Ils contiennent une grande variété de métaux, notamment du manganèse, du fer, du cuivre, du nickel, du cobalt, du plomb et du zinc et présentent, entre autres, des concentrations mineures, mais non négligeables, de molybdène, de lithium, de titane et de niobium. La Zone de Clarion-Clipperton, située entre 3 500 et 5 000 m, est la zone la plus étudiée qui présente un intérêt commercial dans le Pacifique Est. Ce gisement renferme plus de nickel, de manganèse et de cobalt que la totalité des ressources terrestres. D’autres zones pouvant présenter un intérêt commercial sont le bassin central de l’océan Indien et les zones économiques exclusives des îles Cook, des Kiribati et de la Polynésie française. ( source Autorité internationales des grands fonds marins)
Pour la France, le comité interministériel de la mer a acté les premières orientations pour les « Grands fonds marins » dans le cadre de France 2030, avec le lancement de missions d’exploration.
1. Une cartographie « multi-paramètrique » de haute précision des zones concernées par le contrat français de l’autorité internationale des fonds marins. Cette mission sera l’occasion de mettre au point et de démontrer les capacités d’un drone sous-marin français par grandes profondeurs.
2. Une surveillance par des planeurs sous-marins à grande profondeur des risques géologiques et sismiques du volcan sous-marin apparu par 3000 mètres de fond au large de l’île de Mayotte.
3. L’exploration de zones de grandes profondeurs (6000 mètres), par drone sous-marin avec un large éventail de capteurs.
4. L’investigation détaillée de zones de grandes profondeurs par moyens robotisés (ROV), capable de réaliser des prélèvements.
A également été décidée la mise en place d’un programme de recherche (PEPR) sur les grands fonds marins, confiée au CNRS, à l’Ifremer et à l’IRD, et qui sera soumis au comité de pilotage ministériel. Ce programme pluridisciplinaire traitera aussi bien les processus physiques, biogéochimiques ou biologiques à l’œuvre dans les grands fonds marins, ainsi que des rapports qu’entretiennent les populations riveraines avec ces environnements particuliers. L’exploration des grands fonds marins se traduira par le recueil de nombreuses données, géologiques, océanographiques, écologiques, biologiques, collecte orientée par l’expertise scientifique. Les données recueillies dans l’exploration des grands fonds marins contribueront ainsi à la description numérique globale de l’Océan, indispensable pour répondre aux questions opérationnelles de gouvernance des espaces maritimes. Les données sur les grands fonds marins s’inscriront dans la démarche globale de l’océanographie opérationnelle, incarnée par « Mercator-Ocean », l’opérateur basé à Toulouse du service européen « Copernicus » de données numériques d’analyse et de prévision de l’environnement marin. Cette démarche a été renforcée lors du « One Ocean Summit » de février 2022 par la décision de créer un « jumeau numérique de l’océan » à l’échelle européenne, et par l’initiative prise par six Etats d’entreprendre la transformation de « Mercator-Ocean » en organisation intergouvernementale. ( source Secrétariat d'Etat chargé de la Mer)
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