Par Franck Cognard
Charles Baudelaire était condamné en 1857 concernant Les Fleurs du Mal . Cette année-là, il comparaissait devant un tribunal parisien pour outrages aux bonnes mœurs et à la morale religieuse pour 6 poèmes issus des_Fleurs du Mal._
156 ans plus tard, au Palais de Justice de Paris, ce procès a été revisité hier soir, entre morale et calembours.
C'était presque un vrai procès. Presque... On était dans la Grande salle de la Cour d’Appel de Paris, salle prestigieuse. Il y a avait le Président au centre, à droite l'avocat de la défense, et à gauche, le procureur -on disait à l'époque « procureur impérial »- Ernest Pinard. Il était joué hier avec gourmandise par Me Périer, avocat parisien. On va dire qu'avec lui, le public étudiant, nombreux, a eu plus de gaudriole que d’articles de loi. Un faux procureur joué par un vrai avocat, qui, question réquisitoire, s'en est donné à cœur-joie.
Extrait du procès rejoué des Fleurs du Mal -plaidoirie de Me Périer
Vous aurez compris que là, on était pas vraiment dans la répétition fidèle du vrai procès des Fleurs du Mal .
- Rien n'a été sérieux, dans cette reproduction du procès ?
Si, quand même. Mais c’était surtout la partie de Marc Bonnant, Me Bonnant, ténor aux cheveux argentés et à la voix qui porte du barreau de Genève. Cultivé, drôle, c'est lui qui jouait Me Chaix-d'Estange, le très oubliable -et rendons justice à l'Histoire des avocats parisiens- le très oublié défenseur de Charles Baudelaire en 1857. Me Bonnant a égrainé les poètes emprisonnés, les livres interdits, la censure, donc les mœurs, la liberté et ses limites, la censure et ses deux inspiratrices, la bienséance et la morale. Sans aller jusqu'à citer Francis Picabia, pour qui la morale est mal disposée dans un pantalon, Marc Bonnant, lui aussi, s'est fait plaisir dans sa plaidoirie.
Extrait du procès rejoué des Fleurs du Mal -plaidoirie de Me Bonnant
A la fin de ce presque procès, le Président -incarné par un grand avocat parisien, Olivier Schnerb-, hier soir donc, le président à relaxé Baudelaire. En 1857, le poète fut soulagé en guise d'amende (de 300 francs) et 6 de ses pièces furent supprimées des Fleurs du Mal. Elles n'ont eu le droit d'être réimprimées qu'en 1949.