

Si l’actualité a été marquée cette semaine par l’ouverture du procès du 13 Novembre 2015, la machine judiciaire continue de tourner pendant ce temps, dans son fonctionnement le plus ordinaire. En cette rentrée, nous poussons la porte de la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris.
Dans le box, Modi, 24 ans, maillot du PSG sur les épaule et un air vaguement penaud, sous son masque. Le président du tribunal entame la lecture du rapport : "La scène se passe de manière curieuse...", observe-t-il. C’était Le weekend dernier, dans la chaleur de la fin d’été. La police intervient pour un barbecue sauvage à Paris, les esprits s’échauffent, des projectiles volent, des insultes fusent au milieu des gaz lacrymogènes.
Modi se retrouve au poste de police. Dans sa poche, les fonctionnaires trouvent deux grammes de cannabis. "Pour ma consommation personnelle", e xplique-t-il. Mais les autres sachets zippés, remplis de résine brune, découvert sous sa chaise au commissariat ne sont pas à lui jure-t-il. "Oui, il devaient trainer là...", ironise le président. "Faut voir combien de personnes sont passées là avant moi", lui répond le prévenu.
On en vient à l’examen de la personnalité. Profession : livreur Deliveroo. Revenu : 800 euros par mois. Pas vraiment d’adresse fixe : Modi vit soit chez des amis, soit à l’hôtel.
- Vous avez déjà été condamné, note le président.
- Oui, beaucoup de fois, mais je sais pas combien….
Dans une longue litanie, le magistrat égrène le détail des 20 condamnations. Vols, violences, menaces de morts… "Tout cela est bien ennuyeux, on vous retrouve toujours pour les mêmes faits."
"Esclavage" et "travail forcé"
L’avocat du prévenu intervient. À 12 ans, explique-t-il, Modi a été envoyé par son père en Mauritanie. C’est l’ambassade de France qui a rapatrié l’adolescent au bout de quatre ans.
Jean-Baptiste Colombani se tourne vers son client :
- Vous vous souvenez du mot qui désigne ce que vous avez vécu ?
- Du travail forcé, lâche le prévenu du bout des lèvres…
"Oui, de l’esclavage", complète son conseil, qui évoque le travail dans les champs, les passages à tabac, l’absence de soins. Modi boite encore à cause d’une fracture non soignée. Des traces de brulures marquent son visage à tout jamais.
"Pouvez vous enlevez votre masque quelques secondes ?" demande l’avocat. Modi s’exécute timidement, laissant apercevoir un trou béant, à l’avant de sa bouche, là où aurait dû se trouver ses dents du bas.
"Un parcours de vie n’explique pas tout", lance un peu plus tard la procureure. Elle rappelle que le prévenu a déjà bénéficié de mesures de sursis, de sursis probatoire, d’un régime de semi liberte. Et requiert 6 mois de prison ferme.
En face, maitre Colombani réplique. "Je ne conteste pas que la justice a tout essayé, mais ce n'est pas parce qu'on a tout essayé qu'on ne doit plus prendre en compte cette situation. Quand quelqu’un revient de ces horreurs, on peut se dire, oui, qu’il a du mal à respecter la règle…" Il soulève aussi certaines incohérences du dossier. Les policiers ont parlé d’un homme vêtu d’un short bleu. Problème, ça ne correspond pas à la tenue de son client. "Un commissariat n’est pas un dressing où l’on change de vêtement comme ça !"
Des mots qui n’auront pas réussi à convaincre les juges. Modi est condamné à 10 mois d'emprisonnement, avec mandat de dépôt. Bien au-delà des réquisitions du parquet.