Il y avait jusqu'à présent les tribunaux correctionnels pour juger les délits et les cours d'assises pour juger les crimes. Voici venir les cours criminelles départementales.
Il faudra s'y habituer, à partir du mois de septembre, dans 7 départements (les Ardennes, le Calvados et la Seine-Maritime, le Cher, la Moselle, la Réunion et les Yvelines), les crimes dont la peine encourue est inférieure ou égale à 20 ans, basculeront de la cour d'assises à cette cour criminelle. Il s'agit entre autre des homicides involontaires, de la préparation des actes terroristes, des vols à main armée, des viols, du proxénétisme, de l'esclavagisme, ou encore, c'est plus rare, de la rébellion militaire à condition qu'il y ait au moins 8 hommes engagés !
Pour tous ces crimes, il n'y aura donc plus de jurés mais une formation de 5 magistrats, avec la possibilité de mobiliser des juges à la retraite. L'idée est de désengorger les cours d'assises et ainsi de réduire les délais de jugement. Devant cette cour criminelle, un accusé aura la certitude d'être jugé dans l'année qui suit la fin de l'instruction. L'autre volonté est d'arrêter de correctionnaliser certains crimes, puisqu'aujourd'hui, pour des affaires de viol par exemple, si les magistrats, la personne mise en cause et la victime l’acceptent, le dossier est requalifié en simple agression sexuelle afin, justement, de ne pas être soumis aux délais d'attente interminables de la cour d'assises.
Mais les avocats rompus au traitement des affaires criminelles craignent que tout cela aboutisse à des procès au rabais. "La justice sera moins bien traitée" estime Me Karine Bourdié, membre du comité directeur de l'Association des Avocats Pénalistes, "les audiences seront plus rapide. C'est la fin de l'oralité des débats qui se profile, la fin du temps pris pour bien juger en prenant le temps d'écouter des témoins et des experts, en prenant le temps de bien juger pour qu'à la fin une décision la plus juste possible soit prise".
La cour criminelle ne permettra pas à la justice de faire des économies, même en supprimant les jurés, puisqu'il va falloir dégager 5 magistrats pour chaque procès, contre 3 en cour d'assises. Les avocats craignent ainsi que cet aménagement ne soit que le premier acte d'une future disparition totale du jury populaire. "Je ne peux pas croire qu'on fasse tout ça pour le simple plaisir de l'expérimentation" s'inquiète Me Karine Bourdié, "il est évident qu'on s'oriente vers l'idée qu'on peut très bien se passer du juré populaire et de l'expression du peuple souverain dans la justice de son pays. Et si on peut s'en passer pour les crimes de 15 à 20 ans de réclusion criminelle, à terme, on pourra bien s'en passer pour les crimes punis de 30 ans de réclusion criminelle et de la réclusion criminelle à perpétuité. "
Les premières audiences de ces cours criminelles sont donc prévues à Charleville-Mézières, Caen, Rouen, Bourges, Metz, Saint-Denis de la Réunion et Versailles à partir du premier septembre. L'expérimentation durera 3 ans, avant de décider soit de l'abandonner, soit de la généraliser.
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