Par Sara Ghibaudo
20 ans après, la cour d'assise de Paris va juger l'année prochaine un présumé complice du génocide. Qui est cet homme et pourquoi va-t-il être jugé en France?
Il s'appelle Pascal Simbikangwa. Ce militaire en fuite a été arrêté presque par hasard en 2008 à Mayotte où il trafiquait des faux-papiers. Au Rwanda Pascal Simbikangwa est parfois surnommé le tortionnaire en fauteuil roulant, un accident l'a laissé paraplégique. Au terme de leur enquête, deux juges d'instruction parisiens estiment que Pascal Simbikangwa a bien fourni des armes et donné des instructions à des « gardiens de barrière » : ces barrières dressées, à partir du 6 avril 1994, derrière lesquelles soldats et miliciens avaient pour mission d'identifier et de tuer les membres de la communauté Tutsie et les opposants Hutus. Après les massacres qui font près de 800 000 morts en deux mois, les Nations Unies créent le Tribunal Pénal International pour le Rwanda. La résolution prévoit aussi que les génocidaires présumés soient poursuivis et jugés où qu'ils se trouvent. La France a transposé cette résolution en 1996 mais elle a été bien lente à l'appliquer regrette Alain Gautier, du collectif des parties civiles pour le Rwanda.
Alain Gautier :(…) Il y a d’autres pays, en particulier la, Belgique qui depuis 2001 a organisé des procès, l’Allemagne est en train de juger un présumé génocidaire, des pays scandinaves l’ont fait La France est vraiment à la traine c’est important d’abord parce que les présumés génocidaires sont très nombreux en France et puis un procès en assisse c’est un travail qui se fait pour la mémoire pour l’histoire, vraiment c’est passage obligatoire »
Ce procès a aussi été rendu possible par la création, à Paris, d'un pôle judiciaire spécialisé dans les génocides et crimes contre l'humanité.
Créé en janvier 1992 ce pôle est désormais opérationnel : trois juges d'instruction, deux magistrats du parquet et quatre assistants spécialisés. A eux de mener un véritable travail d'enquête comme ce fut le cas dans le dossier Simbikangwa explique Domitille Philippart, l'un des avocats des parties civiles.
Domitille Philippart : « Lorsqu’il y a eu le rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Rwanda. Les juges d’instructions ont pu se rendre sur place. Il y a eu plusieurs voyages qui ont été faits par les juges et aussi des enquêteurs de la gendarmerie donc une équipe qui était dédiée à ces enquêtes sur place et qui a fait énormément de travail d’investigation. Et des investigations qui ont été faites sur les lieux pour essayé de comprendre un petit peu comment les choses s’étaient passées. Donc des constations sur les lieux et beaucoup d’auditions de témoins. » __
Les enquêteurs s'appuient aussi sur tout le travail fait par les juridictions rwandaises. Mais ils doivent confronter et évaluer les témoignages, recueillis si longtemps après. Par exemple, plusieurs personnes assuraient avoir vu Pascal Simbikagwa avec des béquilles sur des lieux de massacres. Pas crédible estiment les juges vu la paralysie dont il souffre. Il n'aura finalement pas à répondre du massacre de la colline de Kesho. Parmi ces témoins combien viendront à Paris l'année prochaine expliquer à des jurés français ce qui s'est passé au Rwanda. L'organisation de ce procès est un nouveau défi judiciaire alors qu'une vingtaine d'autres dossiers rwandais sont encore à l'instruction.