Les "caisses noires" de l'UIMM devant la justice

France Inter
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les “caisses noires” de l’uimm devant la justice
les “caisses noires” de l’uimm devant la justice
© reuters

Le procès du patronat de la métallurgie pour abus de confiance a commencé cette semaine à Paris . Ils sont dix anciens dirigeants et salariés de l'UIMM à la barre du tribunal correctionnel et la justice s'interroge sur la destination de 17 millions d'euros retirés en liquide entre 2000 et 2007. Mais le secret reste bien gardé.

Dans le patronat on ne parle pas « d'omerta », mais de « discrétion », celle qui va avec la courtoisie et les costumes anthracites impeccables de Denis-Gautier Sauvagnac, l'ancien délégué général, 70 ans. « Je souhaiterais beaucoup alléger mon fardeau » soupire Denis Gautier-Sauvagnac, « mais je suis coincé. Si je désigne des personnes, le seul résultat sera de les désigner à la vindicte populaire, alors qu'elles nieraient et que je ne pourrais rien prouver ». « La vindicte populaire, vraiment ? » demande la présidente. « Compte-tenu des noms en cause, bien sûr » répond celui que l’on appelle DGS.

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Par ailleurs, il ne veut pas jeter la suspicion sur la vie sociale française, lui qui fut dans les années 1990-2000 le principal négociateur du patronat.

« Pourtant cela ne m'amuse pas de garder le silence » soupire Denis Gautier-Sauvagna, comme cela ne l'amusait pas de manipuler des billets, dit-il, mais cela faisait partie des missions du patronat de la métallurgie.

Lorsqu'il prend ses fonctions, en 1995, arrive dans son bureau le responsable d'une organisation qui « participe à la vie sociale », selon ces mots. Après quelques échanges sur la vie sociale, donc, cet interlocuteur lui lance « monsieur, je crois que c'est vous qu'on vient voir maintenant pour la chose ». Heureusement pour le délégué général, sa comptable, habituée, a tout prévu : l'enveloppe est prête.

La présidente du tribunal ne lui demande pas qui était son visiteur, elle ne lui demande d'ailleurs jamais directement qui étaient les bénéficiaires des enveloppes. C'est l'avocat de l'UIMM qui vient à la rescousse de notre curiosité : « n'est-il pas temps de dire que ce sont les syndicats qui ont touché l'argent? ». « Je suis coincé », répète DGS, « mais je confirme ce qu'ont dit certains de mes anciens collègues ». La destination des fonds est assez claire.

Selon deux anciens présidents de la fédération patronale, les bénéficiaires étaient les 5 syndicats alors représentatifs, ainsi que des organisations patronales. 5 à 10 personnes se seraient ainsi partagées 2 millions d'euros par an. Denis Gautier-Sauvagnac les rencontrait donc discrètement. Pas pendant les négociations, surtout pas, pour que l'on ne puisse pas penser que le patronat achetait des signatures.

«Quand on avait des grèves avec des séquestrations, on était content d'avoir des syndicats aptes à canaliser et à favoriser la reprise du travail » raconte Arnaud Leenhardt, un ancien président de l'UIMM âgé de 84 ans.

La brigade financière n’a retrouvé qu’une seule personne qui a bénéficié quelque temps d'enveloppes d'argent liquide. Il s'agissait d'un complément de salaire pour une dirigeante de la CGPME, la Confédération des petites et moyennes entreprises.

« Il fallait quelqu'un pour remettre de l'ordre à la CGPME qui était en voie d'implosion », explique DGS. Or nous avons besoin de la CGPME pour canaliser des petits patrons qui ne veulent pas se tourner vers le Medef et qui risqueraient de tomber dans un mouvement poujadiste.

L'argent de l'UIMM a-t-il aussi servi à canaliser des politiques ou des journalistes comme cela a pu être dit ? « Non » selon Denis Gautier-Sauvagnac. Ouf ! Nous voici au moins disculpés...