Une même affaire, jugée selon le système français puis selon le système anglais. L'exercice a eu lieu mardi 28 mai à la cour d'appel de Paris, mettant en scène de vrais magistrats et de vrais avocats. Seul le prévenu était un comédien. Quelles différences?
Voici l'affaire : une bagarre entre deux hommes qui ont un différend. L'un y perd un oeil. Il n'y a pas vraiment de témoin. La blessure aurait été causée par une clé à molette - l'expertise médicale parle d'objet contondant- mais l'arme est introuvable. Le suspect évoque quant à lui un coup de poing donné en état de légitime défense.
C'est ce dossier - inspiré d'un dossier réel - qui a fait l'objet mardi d'un double procès fictif. D'abord selon le système juridique français, puis selon le système anglais. Avec à chaque fois, de vrais magistrats, de vrais avocats. Seul le prévenu était joué par un comédien, bilingue.
Jurés vs. magistrats professionnels
C'est la première différence. En France, les jurés sont réservés aux cours d'assises. En correctionnelle ne siègent donc que des magistrats professionnels.
À l'inverse, en Angleterre, la Crown court comporte douze jurés tirés au sort. Ils délibèrent seuls, après avoir reçu les recommandations du juge sur ce dont ils doivent tenir compte ou non. Dans l'affaire jugée sous nos yeux, il leur est ainsi demandé de ne pas tenir compte de leurs émotions, même si la victime a été très gravement blessée.
C'est donc ce jury que l'accusation et la défense vont s'acharner à convaincre durant le procès anglais. Le juge, lui, se tient en retrait des débats, dans une position d'arbitre. C'est donc un tout autre cheminement vers la vérité, observe Régis de Jorna, président d'assises.
En France, nous sommes dans un système de type inquisitoire. La recherche de la vérité se fait par l'intermédiaire du président, qui va poser des questions, amener la contradiction. En Angleterre, la contradiction va se faire directement entre les parties, à savoir l'avocat de la défense et celui du ministère public.
La place du ministère public
En France, le procureur se tient sur l'estrade, à la même hauteur que les juges. En Angleterre, c'est un avocat qui représente la Couronne et porte l'accusation. Il se tient au même niveau que la défense. Un exemple dont l'hexagone ferait bien de s'inspirer, estime le pénaliste Emmanuel Daoud.
La conviction que la justice est rendue de façon convenable, pertinente et fondée passe aussi par les apparences. Tant que nous n'aurons pas en France un ministère public au même niveau que la défense, le concept d'égalité des armes sera moins bien incarné.
Deux issues différentes
Dans cette affaire fictive, le prévenu a été condamné par le tribunal français à 2 ans de prison avec sursis. Le tribunal anglais l'a déclaré non coupable, au bénéfice du doute.
À noter que si ça n'avait pas été le cas, le procès anglais aurait alors continué afin de fixer la peine, en fonction de la personnalité, des antécédents judiciaires du prévenu. D'après le juge britannique, la peine prononcée aurait alors été plus lourde (sans doute 3 ou 4 ans de prison).
Attention toutefois à ne pas tirer de conclusion hâtive. Il faut garder à l'esprit qu'en Angleterre, la majorité des dossiers aboutissent à une procédure de plaider coupable et n'arrivent donc pas jusqu'au tribunal. Le droit de faire appel est aussi restreint, outre-Manche.
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