C'est une audience étonnante qui s'est déroulée en septembre à la 29e chambre du tribunal de Paris. Parmi les victimes de l'homme jugé pour violences sur sa mère, sa sœur, et son chien, seul l'animal était défendu par un avocat.
Mohamed S. s'avance à la barre. Pantalon noir, blouson matelassé à capuche. Il est grand, massif, il a presque 20 ans. Sur le banc des victimes, sa mère, et sa sœur de 27 ans, l'air apeuré. Un bébé de quelques semaines, dort dans les bras de la grand-mère.
La présidente, cheveux courts blonds grisonnants, lunettes transparentes, commence à lire les faits reprochés. 29 mars 2019 : menaces de mort, sur sa mère et sa sœur. "Vous leur avez dit 'je vais vous tuer'". "Vous êtes accusé de les avoir frappées, d’avoir cassé des portes et une penderie et d’avoir exercé des actes de cruauté sur un animal domestique, votre pitbull croisé 'american staff'".
Le prévenu a cassé une dent... de son chien féroce
"J’ai rien à dire", grogne le prévenu. "Votre mère a expliqué aux policiers qu’elle dormait sur le canapé depuis que vous lui avez pris sa chambre. Elle dit qu'elle a peur de vous, que vous l’insultez, que vous lui dites, ferme ta gueule, souvent". "J’ai rien à ajouter", s’entête le fils insolent et violent. Il ricane. "Mais arrêtez de rire monsieur !", hurle la présidente. "Vous croyez que c’est une vie pour votre mère, qui est la seule à travailler à la maison !" lance-t-elle avant de se mettre à évoquer le chien, Wicked. Elle parle d'ailleurs autant du chien que de la mère et de la sœur du prévenu.
Elle précise que le chien a eu une dent cassée, une cicatrice sur le museau, et une autre à l’arrière-train. "Vous le battez, c’est inadmissible !", gronde la juge. "C’est comme battre un nourrisson !", s'énerve-t-elle. Dans la salle, le neveu du prévenu, un mois, dort toujours paisiblement.
"Je reconnais que j’ai mis des coups de poing à ma sœur, mais c’était pour des motifs personnels, si ça dérange pas la Cour".
Ce chien, Wicked, a mordu la sœur du prévenu, un jour où elle voulait déplacer sa gamelle. Depuis, elle en a peur. L'animal, qui a trois ans, "vous l’avez frappé avec des béquilles. Pourquoi vous le gardez en le tabassant ?", s’époumone la présidente. "Bon, et votre mère dit que vous fumez des joints !" "C’est vrai, je fume du shit", avoue le prévenu.
Dans la salle d’audience, un de ses copains souffle : "Mais t’es con, de le dire !" "Oui, vous savez que c’est interdit !" rappelle la présidente ! "Et pourquoi vous avez cassé des portes et une penderie, avec vos poings ?" "Bah, c’était la porte de ma chambre !" En fait, la chambre de sa mère qu’il s’était appropriée. "Un jour, vous avez violemment poussé votre mère sur le canapé parce qu’elle vous reprochait de tabasser le chien, mais il est mignon ce chien !", s'exclame la présidente. "Un autre jour, vous avez ouvert l’arcade sourcilière de votre sœur !" "Ouais, je reconnais que j’ai mis des coups de poing à ma sœur, mais c’était pour des motifs personnels, si ça dérange pas la Cour".
"Vous êtes un type dangereux"
"Qu’est-ce que vous faites monsieur, dans la vie ?", interroge la magistrate. "Je travaille au black sur les marchés, je sais, c’est pas très légal, je me suis inscrit en CAP cuisine mais j'ai pas trouvé d'employeur, et je gagne aussi des paris à la française des jeux", se marre le prévenu. La présidente semble exaspérée. L’avocat du chien se lève, pompeusement et réclame des dommages-intérêts pour le pitbull qui a trouvé une famille d’accueil. La mère et la sœur du prévenu, elles, n’ont pas d’avocat, et n’osent rien demander à personne. Juste le droit de retrouver un chez elles, sans violences.
Avant que Mohamed S. ne devienne violent envers sa mère et sa mère, c'était son père qui frappait la famille et surtout son épouse. Le père et la mère ont divorcé. La mère est désormais confrontée seule à la violence de son plus jeune fils.
La procureure réclame une peine de 15 mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve. "Aménageable ?", demande le prévenu. "Mais attendez, la peine n'est même pas prononcée ! "Faut vous soigner". "Ah non, faut pas abuser !" répond-t-il. "Je faisais du sport, ça m'allait très bien !" "Ben, va falloir vous y remettre !" prévient la présidente, qui finit par prononcer sa peine : 15 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve, à l'encontre de Mohamed S., interdiction de paraître au domicile de sa mère, et interdiction... de reprendre un chien.
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