La réserve des Apaches : épisode 2/5 du podcast Mohammed Kenzi, une vie en exil

Mohammed Kenzi, chez lui, à Genève
Mohammed Kenzi, chez lui, à Genève ©Radio France - Charlotte Perry
Mohammed Kenzi, chez lui, à Genève ©Radio France - Charlotte Perry
Mohammed Kenzi, chez lui, à Genève ©Radio France - Charlotte Perry
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Mohammed Kenzi est arrivé en France en 1960 à l'âge de 6 ans. De son enfance passée au bidonville du Pont de Rouen à Nanterre, il se souvient des moments de joie, quand il faisait l'école buissonnière avec sa bande de copains, et de ce "monde à côté d'un autre monde" dans lequel vivait sa communauté

Dans son appartement de Genève, où il vit depuis plus de quarante ans, Mohammed Kenzi se remémore son enfance passée dans le bidonville du Pont de Rouen, à Nanterre.

Malgré les conditions de vie exécrables, il se souvient des moments de joie partagés avec sa bande de copains quand ils faisaient l‘école buissonnière, jouaient au foot sur le terrain vague qui délimitait le bidonville, coursaient les rats qui proliféraient pour les chasser ou s’amusaient à courir sur les toits des baraques pour embêter les habitants.

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« Il y avait de la joie dans le bidonville. Les conditions étaient exécrables, mais nous, les gamins, on était joyeux. »

Le bidonville du Pont de Rouen où Mohammed Kenzi a grandi. (c.1960)
Le bidonville du Pont de Rouen où Mohammed Kenzi a grandi. (c.1960)
- Inconnu

« On allait à l’école Anatole France. Tout le long du chemin, on formait un groupe qu’on repérait de loin. C’était des petites bandes, solidaires, un peu sauvageons, un peu bagarreurs. C’était marrant parce que quand on arrivait, les gens disaient "Tiens, voilà les Indiens qui débarquent ! " Parce que le bidonville, c’était une réserve. Il y avait beaucoup d’Apaches.»

A l’école, Mohammed Kenzi s’ennuyait et faisait le minimum. Surtout au cours d’histoire quand l’instituteur lui « cassait la tête avec nos ancêtres les Gaulois ». Il faisait l’école buissonnière, loupait la classe un jour sur deux. Son père, illettré et analphabète, n’était pas en mesure de suivre sa scolarité, ni de signer ses cahiers.

« On était une vingtaine d’Apaches. On a fait les quatre cent coups ensemble. On découvrait un peu autre chose que l’école ou le bidonville.»

A la fin des Trente Glorieuses, l’ambiance change au bidonville. Beaucoup d’hommes, frappés par le chômage, commencent à boire. Quand le père de Mohammed buvait, il devait violent et se mettait à frapper femme et enfants. Parfois, des bagarres monstres éclataient dans le bidonville, mais la police refusait de se déplacer. Seule la doctoresse entrait dans le bidonville, guidée par les habitants.

« C’était un ghetto. Après on a compris que pour mon père, si on réussissait à l’école, c’était une manière de se venger de sa situation sociale. Il y a très peu d'enfants du bidonville qui sont allés au lycée. On peut les compter sur les doigts de la main. La plupart finissaient à l'usine ou dans le bâtiment.»

A (ré)écouter:

A lire:

  • La Menthe Sauvage, de Mohammed Kenzi, aux Editions Grévis (Première publication 1983). Un très beau texte dans lequel l'auteur revient sur son parcours jusqu'à son arrivée en Suisse, où il a trouvé refuge au début des années 1970. (Postface: Victor Collet).

Rencontre:

  • Mercredi 8 février à 18h30, L'Anamorphose (48 rue du Long Pot, à Lille) organise une rencontre avec Mohammed Kenzi et Victor Collet autour de La Menthe Sauvage.

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