

Pendant cinquante ans, Elyette a été la patronne d'"Au Rêve", ce mythique bistrot de Montmartre qu'elle a repris à dix-neuf ans suite à la mort de ses parents. De Jacques Brel à Marcel Aymé, des petits poulbots aux artistes renommés, tous ont fréquenté ce troquet, qui respirait l'âme de la Butte.
Jacques Brel y a griffonné les premières paroles de "Ne me quitte pas" attablé près de la fenêtre d'où il pouvait guetter fiévreusement le retour de sa bien-aimée, Suzanne Gabriello ; Marcel Aymé venait y jouer au 421 tous les matins avec Henri, le garagiste, Gilbert, le menuisier et Petit Pierre, le sculpteur de pierre; et le dimanche midi, après la fermeture, le bistrot du 89, rue Caulaincourt accueillait toute la famille pour un grand déjeuner. Au Rêve, vie de famille et vie du quartier se mélangeaient, tant et si bien qu'Elyette n'a jamais connu de salle à manger.
C'était une vie de famille, et c'était complètement mélangé avec le bar. On mangeait sur un coin de table, ça a toujours été la salle du bistrot notre salle à manger.
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Arrivé de Lozère pour être formé à Paris par un oncle Bougnat, le père d'Elyette a repris "Au Rêve" en 1954. Auparavant, ce café - qui doit son nom à l'absinthe tout juste interdite à son ouverture en 1921- était une crèmerie. Lorsque les parents d'Elyette décèdent tous les deux quelques années après leur installation rue Caulaincourt, Elyette se retrouve seule avec à sa charge son frère cadet. En 1964, alors qu'elle n'est âgée que de dix-neuf ans, et bien qu'elle ne soit pas encore majeure, Elyette devient la seule propriétaire et décisionnaire d"Au Rêve", grâce à la protection du maire du dix-huitième, Constant Theffri, et du commissaire de l'arrondissement, le commissaire Farge, qui se portent garants pour elle. Son troisième protecteur n'est autre que le chef des voyous de la Butte de l'époque, "Petit Claude", grâce à qui Elyette n'aura jamais d'ennuis avec les malfrats du quartier.
Petit Claude m'avait dit: "La môme, ce que tu fais, c'est bien, alors si on t'emmerde, tu viens me voir et t'inquiètes pas, ça va s'arranger!" Et comme il était très respecté, on ne touchait pas là-bas, c'était sous Petit Claude. C'est le thème de la veuve et l'orphelin, j'étais l'orpheline, il fallait qu'on me protège. Et je suis persuadée que si je n'ai jamais eu de problèmes, c'est grâce à lui.

Et pendant cinquante ans, Elyette et son mari Pierre - dit Picsou, parce qu'il était banquier- ont continué de faire vivre le "Rêve", et tout le quartier.
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