

Sur le boulevard Magenta se trouve le plus ancien salon de coiffure de Paris. Depuis 1966, Katya, 89 ans, coiffe et cause avec la gouaille d'un vrai titi parisien. Dans un décor qui n'a pas changé depuis ses débuts, elle nous raconte sa vie de gavroche, sa vision de la coiffure et le monde qui change sous ses yeux.
Ses clientes vous le diront, Katia est un personnage exceptionnel, hors-normes: grand cœur, grande gueule, on vient chez elle autant pour se faire coiffer que pour discuter, de tout, de rien, du monde tel qu'il va. Grandes dames ou femmes du peuple, commerçantes de la rue d'Aboukir, mannequins et musiciens, venaient passer "un moment de folie", se remonter le moral ou simplement faire une pause dans leur journée de travail. Aller chez Katya, "c'était la récréation".

Et dans son salon de coiffure aux allures de boudoir, où rien n'a changé depuis les années soixante, Ray Charles, en personne, venait se faire coiffer pendant un temps.
J'ai fréquenté Saint-Germain-des-Prés pendant longtemps, je dansais le Be-Bop avec Ray Charles et tout ça. On dansait à l'Elysée Montmartre: il y avait l'orchestre noir, c'était des vrais noirs avec le petit chapeau rond de Harlem, et on faisait des passes debout sur le piano. Je vous jure que c'était formidable!

Née en 1932 Porte de Clignancourt, dans les H.LM qui bordent ce que l'on appelait alors "la zone", où vivaient les Manouches, Katya raconte l'époque des "gamins de Paris": Django Reinhardt, les louchébems, les espiègleries jouées aux poulets, le défilé lorsqu'elle a été élue "Reine des Puces" sur le marché des Antiquaires. Et se souvient de l'entraide et du respect qui régnaient alors.
Je suis un gavroche, un vrai, ah ça oui, un vrai titi parisien!

Mais au fond d'elle, elle garde une blessure intime et profonde, celle d'avoir été un enfant adultérin. Pour prouver aux autres et à elle-même, qu'elle valait aussi bien que tout le monde, elle s'est entièrement consacrée à son métier qu'elle élève au rang d'art. Sans jamais oublier ni qui elle est, ni d'où elle vient.
Moi je dis que la coiffure, c'est un art. C'est plus qu'un art, c'est une peinture: il faut faire ressortir la personnalité de la cliente. Toute de suite, lorsqu'on la voit, il faut savoir comment on va la coiffer.

Aujourd'hui, à 89 ans, Katya pense finalement fermer boutique. Pas pour prendre sa retraite, "ça jamais", pour faire autre chose: peut-être tenir une crêperie bretonne là où Dieu la mènera.
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