

Mohamed Amaghar était ingénieur commercial pour l'entreprise Intergraph pendant 20 ans, de 1997 à 2017. Mais au moment de signer son contrat d'embauche, son futur chef lui annonce "qu'il faudra changer de prénom". Un choc et une blessure pour ce citoyen français, qui le conduisent aujourd'hui à demander réparation.
Le 11 décembre 2019, Mohamed Amghar, 63 ans, ancien ingénieur commercial à la retraite, a déposé une requête auprès du tribunal des Prud'hommes pour discrimination raciale et harcèlement moral contre son ancien employeur, la société Intergraph, qui lui a imposé de changer de prénom lors de son embauche en novembre 1996. Pendant 20 ans, au bureau et avec ses clients, Mohamed a donc été Antoine Amghar. Ses cartes de visites, mais aussi tous les documents officiels liés à son travail, étaient à ce nom ou à celui de Mohamed-Antoine.
Il m'a dit, un peu gêné, "il faudra changer de prénom" ... Le sentiment que j'avais c'était la colère et aussi la honte, parce que j'étais coincé, j'avais trois enfants, j'étais divorcé, et je n'ai pas dit « non ». J'ai donc ravalé ma honte, mais la colère, elle, ne m'a jamais quittée.
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Pendant 20 ans, on a nié mon identité, ce n'est pas rien, 20 ans. C'est une blessure terrible qui ne se refermera jamais.

Né en France de parents Algériens, Mohamed Amghar a grandi dans une famille pauvre. Son père, arrivé à Paris en 1946, a commencé à travailler sur le Faubourg St Antoine où « il tirait des charrettes pleines de bois, car à l’époque, un Arabe coûtait moins cher qu’un cheval ». Il a toujours encouragé ses enfants à travailler dur à l’école, car l’instruction était pour eux le seul vecteur d’une possible ascension sociale. Avec Bac +5 et un diplôme d’ingénieur, Mohamed se pensait à l’abri du racisme ordinaire, jusqu’à cet « accident », qui l’a renvoyé là où étaient ses parents, ses grands-parents et tous les gens comme eux avant lui, c’est à dire, à la condition de « citoyen de seconde zone ».
Au-delà de ce qui s’est passé dans cette entreprise, c’est la notion même de citoyen qui est remise en cause. Je veux avoir les mêmes droits que tout le monde. Et vous entendre dire, à 41 ans, « oui, c’est bien, mais Mohamed ça va pas faire l’affaire » c’est un crachat à la face du citoyen Mohamed. Et ça, c’est inacceptable.
Soutenu dans sa démarche par la Licra, Mohamed Amghar espère désormais obtenir justice et des excuses. La société Intergraph, quant à elle, nie toute responsabilité. L'ancien chef de Mohamed, qui l’a recruté en 1996, dit ne pas se souvenir de cet entretien d’embauche, ni de comment « Antoine » s’est retrouvé sur les documents officiels.
Affaire à suivre ...
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