Barbara Butch, "Reine de la nuit"

Barbara Butch
Barbara Butch ©Getty
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Barbara Butch, DJ et "love activist" retrace son histoire ce soir.

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Vous savez cette petite bande toute blanche, qui court le long du texte, bien ficelé, bien ciselé, et même la fin, on la connaît : vécurent heureux, beaucoup d’enfants, accessoirement, ils étaient blancs… D’un blanc qui fige, et qui oblige, à tout écrire surtout bien droit… Le blanc de la marge, lui, c’est celui où on corrige, où on essaie, on teste, on tâtonne et on crée. Parce que le « nous » était au centre, c’est là qu’on apprend à dire « je ». Avec l’audace que ça suppose, on va changer les règles du jeu. On dirait que tout est possible, que l’histoire est à inventer. Je ne suis pas princesse, je suis une reine, reine de la nuit, je vais t’épouser, c’est moi qui mets le genoux à terre, et viens, aller, on va se marrer. On va s’aimer, sur une étoile, un oreiller, oui chacun fait fait fait, ce qui lui plaît plaît plaît, En Marge, on va mieux respirer. Alors bienvenue, et bonne année.

Une histoire de mère en fille

Leslie Barbara Butch naît à la clinique Marie-Louise, dans le 9e arrondissement de Paris, clinique où sont nées avant elle sa mère, sa grand-mère et son arrière-grand-mère. "Toutes nos histoires sont construites autour des mères et des femmes de notre famille." Des femmes aux caractères bien différents : "Mon arrière-grand-mère, c'était vraiment l'amour. Elle débordait d'amour et de sympathie. Tout le monde l'adorait. Elle était drôle, fine, hyper coquette et hyper sympa. Et ma grand-mère, c'est plus le caractère de cochon, encore aujourd'hui elle ne se laisse jamais faire. Elle prend toutes ses décisions. Elle m'a filé quand même pas mal de son mauvais caractère et de ses réveils de mauvaise humeur."

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Son père est peintre en bâtiment, d'origine marocaine. Sa mère est secrétaire et tous les deux travaillent dur. C'est parfois la télé qui la garde, quand c'est nécessaire. Adolescente, elle fait pas mal de solfège, du piano, des percussions brésiliennes, de la guitare. Elle, qui a grandi dans le 7e arrondissement de Paris, sentait un certain décalage avec les enfants aisés, qui étaient en grande majorité. Mais elle était une gamine très populaire, toujours la première pour bavarder, pour rigoler, pour organiser des fêtes, avec ses propres mixtapes, et ses cassettes enregistrées.

Elle a été beaucoup moquée par les garçons, notamment du fait qu'elle avait de la poitrine. Elle dit avoir été sauvée par les scouts, les éclaireuses israélites de France : "C'est quelque chose qui m'a permis de me construire. C'est la vie en communauté en général et après ma communauté a évolué vers un truc beaucoup plus fun qu'est la communauté LGBT, même si c'était déjà très fun. Ça m'a sauvée dans le sens où au collège ou même au lycée, je n'étais pas forcément hyper copine avec tout le monde. Je n'avais pas ma place alors que là-bas, vachement plus." Elle y tombe amoureuse d'une fille, mais ne le dit à personne, car elle a peur du rejet de sa famille.

Grossophobie, amour... une artiste engagée

Elle se décrit comme une militante de l'amour : "L'amour, c'est souvent sous coté. Et moi, j'ai envie de faire en sorte que l'amour soit une tendance, qu'on soit tous fiers de s'aimer et d'essayer d'apporter de l'amour aux gens qu'on croise ou aux gens avec qui on vit. De donner aussi un maximum d'amour aux personnes qui sont aussi seules, isolées. C'est mon moteur, c'est vraiment l'amour."

La question du corps est devenue chez elle un terrain d'engagement aussi. Elle a appris à en jouer, à le sublimer, à s'en servir aussi pour faire passer certains messages. Une fois par exemple, nue ou presque, elle avait écrit "gouine" sur sa poitrine et "grosse" sur son ventre. Cette image d'elle avec ces inscriptions a aussi fait la quatrième de Libération, mais elle ne peut plus les faire à cause de nouveaux tatouages. Elle explique son ambition : "C'est quelque chose qui me tient à cœur. Et au lieu de laisser aux gens l'opportunité de m'insulter, du coup je me réapproprie ces insultes et j'en fais quelque chose de fort. Et ça va être mon moteur, mon pouvoir pour continuer et avancer dans la vie."

En 2020, elle pose nue en une de Télérama avec ce titre "Pourquoi on rejette les gros ?" Elle explique : "Le corps de la femme est toujours montré du doigt. On le scrute tout le temps, à tous les âges. On dit aux femmes comment elles doivent s'habiller, comment elles doivent s'asseoir. Dès qu'on est petite, on sait très bien qu'on est toujours scrutées. Et quand on est une femme grosse ou une personne grosse, en général, on est souvent moquées, insultées. On nous apprend ce que c'est la santé. On nous dit qu'on ne va pas tarder à mourir d'une crise cardiaque, qu'on est feignants... Je me suis dit que j'en avais marre que mon corps appartienne aux autres. J'avais besoin de le récupérer et de me le réapproprier, un peu comme les insultes et du coup, j'ai commencé à faire des photos de moi que je postais sur les réseaux sociaux, dénudée. Et c'est comme ça que m'est venue l'idée aussi de la couverture de Télérama." Elle sera ensuite l'égérie du parfum La Belle Intense de Jean Paul Gaultier.

La fête : du Pulp au Rosa Bonheur

La fête et la nuit peuvent aussi être politiques, quand la tête lâche et que les corps se croisent.

Barbara Butch commence à aller au Pulp, temple des fêtes lesbiennes : "Ça m'a donné envie d'y appartenir et de m'y faire une place. Et c'est marrant parce que pas mal d'années après la fermeture du Pulp, me voici à bosser avec les patrons du Rosa Bonheur, qui étaient ceux du Pulp."

Elle ouvre ensuite un lieu hybride, à Montpellier, salle de concert, d'expo, restaurant... À l'époque, son nom de scène était "Scratcheuse de gazon", mais elle a vite changé, car elle a rencontré une fille qui s'appelait Barbara, et ça lui est venu comme ça. Quand elle revient à Paris, elle mixe dans des bars, Les Souffleurs et Le Raymond Bar.

Puis, son nom circule de bouche à oreille et il arrive jusqu'à Zouzou, patronne du Rosa Bonheur, l'incontournable guinguette des Buttes-Chaumont et des Nuits LGBT. Elle lance La Patchole, des soirées 100% plaisirs coupables où tout est permis, au niveau des looks, et des musiques populaires qui y sont passées.

🎧 Écoutez cet échange passionnant dans son intégralité...

Programmation musicale

  • Eloi, « Soleil mort"
  • Diam’s, « La boulette »
  • Little Simz, « Heart on fire »