

Faire du pain ou torréfier des graines avec la seule énergie du soleil, c'est possible, même en Normandie ! Arnaud Crétot, "ingénieur-artisan" en fait la démonstration depuis plusieurs années dans les environs de Rouen.
Le concentrateur solaire qui fournit l'énergie de son four est installé dans son jardin, à Montville près de Rouen. Arnaud Crétot, fondateur de la coopérative Neoloco, nous en explique le fonctionnement.
"On a 69 miroirs, qui totalisent 11m2 de surface, et chaque miroir va refléter le soleil dans le four. Le four emprisonne juste la chaleur et permet de monter à des températures de 300 degrés pour la cuisson du pain, la torréfaction. Donc, ça fonctionne quand il fait beau, c'est à dire quand on peut voir son ombre. Mais après, c'est comme un four classique, ça chauffe, ça cuit. C'est finalement très, très simple."
Dans le four, des lentilles en cours de torréfaction attendent que le soleil, un peu timide en Normandie en cette saison, montre le bout de son nez. Arnaud Crétot nous montre comment il les croque pour tester leur degré de torréfaction.
"On voit qu'elles ont commencé à brunir. On va les torréfier jusqu'à ce quelles aient la couleur du café."
Car, avec ce four solaire, Arnaud Crétot, ingénieur de formation qui se définit comme un "ingénieur-artisan", ne cuit pas que du pain au levain bio. Il a aussi développé une activité de torréfaction. Les graines sont partout dans notre alimentation mais leur torréfaction a été peu à peu abandonnée à l'industrie agro-alimentaire, explique-t-il. Alors, il grille toutes sortes de graines, si possible locales.
"Quitte à torréfier au soleil de Normandie, on ne va pas faire venir des cacahouètes du Kenya, ou du café du Guatemala, ou de je ne sais où. Donc on a fait des recettes à base de graines qui peuvent pousser en Normandie. La première recette ce sont des graines apéritives pour remplacer les cacahouètes. Là, ce qu'on a sur la table, ce sont des graines au miel, simplement torréfiées et caramélisées dans du miel. Il y a du tournesol, des graines de courge, de la noisette, du lin... On fait aussi des cafés de lentilles vertes bio de Normandie. Ça se prépare à la cafetière, ça a la couleur du café et un goût très, très proche."
On a goûté ce surprenant breuvage, qui ne contient évidemment pas de caféine, mais dont la saveur de lentille toastée se rapproche en effet étonnamment de celle du café.
Repenser la façon de produire
NeoLoco torréfie sur ce mode artisanal, sobre en énergie, 7 à 8 tonnes de graines par an et vend 4 à 5 tonnes de pain en faisant travailler trois personnes. Les livraisons se font essentiellement à vélo, sur commande, dans des épiceries ou commerces des environs. Quand on demande à Arnaud Crétot comment son activité peut fonctionner avec une énergie par essence intermittente, la réponse est assez simple.
"Quand j'ai une commande, je n'attends jamais que le soleil soit là ! On priorise les tâches énergivores de notre activité, donc la torréfaction, les jours où l'énergie est disponible, donc quand il fait beau. Le reste du temps, on fait de l'emballage, des livraisons, de la comptabilité... J'ai toujours des produits en stock, mes batteries c'est mon stock : l'énergie est stockée dans les produits finis."
L'investissement nécessaire au lancement de son activité a été 5 à 6 fois inférieur à celui d'un boulanger classique. Ce modèle économique alternatif est mûrement réfléchi. Avant de se lancer, Arnaud Crétot avait créé l'association des Vagabond de l'énergie, qui fait un tour du monde des différentes solutions permettant de développer une économie plus sobre en énergie et promeut la cuisson solaire.
"L'argument qui consiste à dire que les énergies intermittentes ne sont pas adaptées à faire tourner l'économie, c'est vrai : elles ne sont pas adaptées à faire tourner l'économie pensée pour tourner sur des énergies continues. Par contre, si on a des organisations économiques qui sont pensées pour tourner sur une énergie intermittente, eh ben là, il n'y a aucun problème !
Nous, ce qu'on veut, c'est des boulangers qui fournissent du pain et qui soient durables, mais pas seulement pour les 10 ou 20 prochaines années. On veut que dans 100 ans il y ait encore du pain. Donc il faut des modes d'organisation qui soient vraiment soutenables."
Ces questions d'énergie sont pour lui des choix de société et non des choix techniques. Il publie même un livre sur le sujet : "La boulangerie solaire", aux éditions Terre Vivante, à paraître en mars prochain.
Pour aller plus loin :
Le site de la coopérative NeoLoco, le site de Solar Fire, qui conçoit des fours solaires et dont Arnaud Crétot est aussi directeur technique.
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