De la paille dont on fait les pailles

Cassandra Bourmault, présidente de Végépaille
Cassandra Bourmault, présidente de Végépaille - Végépaille
Cassandra Bourmault, présidente de Végépaille - Végépaille
Cassandra Bourmault, présidente de Végépaille - Végépaille
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Les pailles en plastique, véritable fléau pour l'environnement, sont interdites depuis 2 ans en Europe. Pour les remplacer, il y a les pailles en carton. Et pourquoi pas, tout bêtement des pailles en... paille ?

Cassandra Bourmault, la jeune présidente de Végépaille, nous accueille dans la ferme familiale, à Luché-Pringé, dans la Sarthe. Dans un grand hangar, à l'abri d'un impressionnant mur de paille de seigle, elle nous fait entrer dans le local où se cache la machine à découper les pailles. Une machine qu'il a fallu inventer car, quand un fournisseur lui a commandé des pailles en 2018, l'agricultrice qui produisait du seigle pour ses animaux s'est aperçu qu'il n'existait pas de transformateur, ce qui l'a poussé à proposer de transformer elle-même. L'opération est loin d'être aussi simple qu'on pourrait le croire.

"Des bras robotisés récupèrent et trient les brins par taille. Quand on récolte dans le champ, on coupe au ras de la terre, pour avoir le plus de longueur possible. On retire les feuilles, qui nous gênent pour couper, et on mesure le diamètre, pour être sûr de mettre le bon diamètre dans la machine. Ensuite, sur une tige de seigle, il y a des nœuds. C'est entre les nœuds qu'on va tailler nos pailles. Il a donc fallu trouver un système de coupe qui permet de détecter ces nœuds."

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Cette machine à découper innovante, qui peut tailler 600.000 pailles de 8 ou 19 centimètres par mois, a nécessité plus de deux ans de mise au point avec une entreprise française basée dans la Somme, Ascodero. Une fois découpées, les pailles sont lavées, désinfectées, puis triées avant la mise en boîte. Et çà, en revanche, c'est à la main !

"On écarte celles qui ont été pincées, cassées ou qui ont un diamètre trop petit. Comme c'est un produit naturel, c'est compliqué de tout automatiser. Il y a des choses qu'on doit faire manuellement."

100% végétal

La paille de seigle se révèle particulièrement adaptée pour cet usage, affirme Cassandra Bourmault : suffisamment rigide, imperméable et sans goût désagréable en bouche.

"C'est aussi une plante qui s'adapte à tous les climats, n'a pas besoin de produits chimiques pour vivre ou s'adapter aux maladies. Elle est très résistante et surtout elle s'adapte à toutes les terres, qu'elles soient riches ou pauvres."

L'exploitante nous certifie qu'elle n'utilise pas de produit chimique pour cultiver ces plantes destinées à un usage alimentaire. Elle ne cultive toutefois pas en bio, car elle devrait dans ce cas y convertir toute son exploitation, ce qui serait trop contraignant, estime-t-elle. Elle continue aussi à produire du seigle pour la farine ou le bétail.

"On le cultivait jusque-là pour l'alimentation animale ou la farine pour le pain. On utilisait la paille pour la litière de nos animaux. Ce qui nous permet aussi d'avoir un produit qui est zéro déchet car ensuite tous ce qui n'est pas utilisé pour faire des pailles à boire est broyé et réutilisé en litière pour nos animaux."

Les pailles sont elles-mêmes réutilisables, si elles ne sont pas trop abîmées, et peuvent être lavées puis soigneusement séchées. Elles sont vendues à partir de 10 centimes pièces au prix de gros. C'est plus cher que les pailles en carton mais c'est un produit encore plus naturel, compostable et made in France.

"Faire des pailles avec de la paille, c'est parfaitement adapté, en fait. Quand j'étais gamine j'utilisais déjà de la paille de seigle dans mes verres, quand j'allais avec mon grand-père dans le champ, j'en prenais, je la mâchais... Ça a toujours fait partie de notre monde !"

La création de Végépaille a en tout cas déjà permis de créer 6 emplois à temps plein. Elle pourrait encore se développer pour offrir de nouveaux débouchés aux producteurs de seigle et proposer aussi, par exemple, des emballages à base de paille de seigle.