Une pépinière indigène

Romain Dugué a baptisé sa pépinière Petit Climax, le climax désignant le point d'équilibre d'un milieu écologique. Après avoir voyagé pendant 3 ans à la sortie du lycée, il est finalement revenu s'enraciner là où il avait grandi, sur un terrain de Mauguio, à côté de Montpellier, pour y devenir un pépiniériste un peu particulier : il fait pousser des arbres exclusivement issus de forêts naturelles de la région. Il nous accueille sous sa serre où va commencer la saison des semis et où il fait très doux, même en plein hiver !

"Elle n'est pas chauffée mais il fait tellement beau en ce moment qu'il fait super bon dans la serre, c'est vrai. Je commence la plupart des semis à la mi-mars. Là, on en voit qui ont déjà germé. C'est les tout premiers de l'année, des cerisiers de Sainte-Lucie, un cerisier sauvage du coin. On a aussi des restes de plants qui n'ont pas été repiqués : des saules, de la coronille glauque, du fragon, des filaires, des alaternes, des cades... On a pas mal de trucs !"

Il pourrait citer des dizaines d'autres essences locales. Ces arbres naissants sont donc issus de graines que Romain va lui-même chercher, principalement à l'automne, la saison privilégiée par les arbres de la région pour donner leurs fruits. C'est un sacré boulot.

"D'abord, il y a toute la partie inventaire : repérer les zones qui sont intéressantes. Il faut que ce soit des zones à très haut potentiel naturel, des forêts anciennes, même s'il n'existe plus de forêts primaires dans le coin. Après, il faut étudier le moment de maturation des fruits pour venir au moment optimal sur le site de collecte et prélever les fruits. Mais le plus gros du boulot, c'est quand on rentre avec ces kilos de fruits de différentes espèces qu'il faut nettoyer pour extraire les graines, puis les faire sécher, puis les stocker."

Des arbres adaptés au sol et au climat

Ce stock de plusieurs milliers de graines d'une soixantaine d'espèces, le trésor de la pépinière, nous ne le verrons pas car c'est pour le moment chez lui, dans un frigo, qu'il le conserve. L'an dernier il a produit 15 000 plants, vendus principalement pour reconstituer des haies dans les champs et pour ça, dit il, rien de mieux que les essences locales.

"Il faut absolument planter des arbres qui sont adaptés au sol et au climat parce que c'est des plants qu'on ne va presque pas avoir besoin d'arroser, tout simplement : deux ou trois fois les premières années, tout au plus. Sans oublier que ce sont des arbres qui sont l'habitat naturel de notre faune. Il n'y a que des avantages à planter des arbres locaux !"

Et il n'est pas le seul à le penser puisqu'il a dans la région quelques confrères et consœurs, qui collectent eux aussi des graines.

"Il y a un petit réseau qui est en train de se monter. On est 5 ou 6 collecteurs maintenant, surtout des collectrices, d'ailleurs. On essaie de se monter en réseau pour pouvoir amplifier ce qu'on peut appeler notre patrimoine génétique."

Grâce à une cagnotte sur internet qui a dépassé ses espérances, Romain a bâti cette saison pour Petit Climax une ombrière de 300 m2 qui permettra d'abriter 20 à 25 000 plants pour repeupler les haies et reboiser dans la région avec ces espèces locales.