Des casiers de rue salutaires

Ibrahim Camara devant les casiers solidaire d'Emmaüs alternatives à Montreuil
Ibrahim Camara devant les casiers solidaire d'Emmaüs alternatives à Montreuil ©Radio France - Lionel Thompson
Ibrahim Camara devant les casiers solidaire d'Emmaüs alternatives à Montreuil ©Radio France - Lionel Thompson
Ibrahim Camara devant les casiers solidaire d'Emmaüs alternatives à Montreuil ©Radio France - Lionel Thompson
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Quand on est à la rue, un simple casier pour ranger ses affaires peut devenir salutaire. Depuis 2018, Emmaüs alternatives propose des casiers de rue solidaires dans plusieurs villes et espère étendre plus encore le dispositif.

C'est à Montreuil, à côté de Paris, qu'avaient été installés les premiers casiers il y a 4 ans. Des boxes bleus en métal qui viennent d'être redécorés par deux artistes et dont on peut maintenant, avec le recul, mesurer les effets. Les bénéficiaires y viennent chaque jour mettre à l'abri une grande partie de leurs affaires, comme Ibrahim Camara, sans domicile depuis plusieurs années, et bénéficiaire d'un casier depuis 2 ans.

"J'y mets mes couvertures, ma tente que je plie, que je mets le matin là-dedans, les habits, les chaussures... Des affaires simples. Ça nous permet de cacher nos affaires, de ne pas se faire voler. Parce que vous dormez dans un coin, vous laissez vos affaires, quelqu'un vient et les vole ou bien les cantonniers passent et les débarrassent vite fait ! Ça m'est arrivé. Donc, les casiers, c'est vraiment une idée géniale !"

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Une idée géniale venue du Portugal, qui évite aux sans-abris de transporter constamment avec eux toutes leurs affaires, explique Marie-Hélène Le Nédic, directrice du pôle action sociale et hébergement de l'association, en charge de cette action.

"Les personnes qui vivent dans la rue nous disent que porter leurs affaires les stigmatise. Les gens se disent : tiens, ça c'est quelqu'un de la rue. Et ça les immobilise, aussi. Quand on a ses sacs, son duvet, son petit matelas, ses papiers, on n'a pas envie de faire de démarches parce que si on laisse ses affaires à un endroit, même cachées, elles risquent d'être volées. Ça développe beaucoup de violence, des inquiétudes. C'est un vrai souci."

Certains surnomment même les sans abris les "tortues", parce qu'ils ont toujours un sac sur le dos ! C'est comme ça qu'on reconnait les SDF, ajoute Ibrahim Camara.

Premier pas vers une réinsertion

Marie-Hélène Le Nédic, elle, mesure aussi l'importance pour des personnes à la rue de se voir confier une clé, même pour un simple casier.

"Ça a un effet magique. Ils sont très contents qu'on leur fasse confiance. Ils le vivent comme ça. Ça fait des années qu'ils n'ont plus rien à eux. Leur remettre une clé, en leur disant : on ne va pas intervenir, tu fais ce que tu veux avec, c'est un peu comme une première clé avant, peut-être, une clé pour un logement."

Un casier c'est bien. Un logement, c'est bien sûr encore mieux. L'association utilise cette action comme levier vers une véritable réinsertion. Chaque titulaire d'un casier doit accepter un accompagnement, avec des résultats.

"On a plusieurs personnes qui sont sorties de la rue, sur des structures adaptées. Pas tous en logement autonome, parce que ce n'est pas toujours simple de passer de la rue à un logement autonome, mais beaucoup de gens qui sont sortis sur des structures d'hébergement à caractère plus pérennes."

Et même pour les personnes qui quittent le dispositif sans être entré dans un lieu pérenne, ils ont au moins bénéficié pendant tous ces mois d'un accompagnement qui leur a permis de se renforcer, d'ouvrir leurs droits, d'accéder à des services qu'ils n'avaient pas avant. Ils peuvent partir plus sereinement vers d'autres projets, précise Marie-Hélène Le Nédic.

Les sans abris bénéficient de ces casiers pendant environ un an, en moyenne. Outre Montreuil, Emmaüs alternatives en a installés à Clermont-Ferrand, Annecy, Vannes, Amiens, et bientôt Paris, si les obstacles administratifs qui retardent pour le moment le projet sont enfin surmontés. L'objectif de l'association est d'en avoir disposé à moyen terme dans 14 villes en France.