Quel est le profil du "bon patron" ?

France Inter
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Meryl Streep dans Le Diable s'habille en Prada
Meryl Streep dans Le Diable s'habille en Prada
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Faut-il être froid et autoritaire ou au contraire ouvert et plein d'empathie ? Plusieurs psychothérapeutes et universitaires anglo-saxons se sont penchés sur ces questions. Et ils arrivent à des conclusions contradictoires.

Il y a un personnage de film qui incarne bien ce dont on parle aujourd'hui. C'est Meryl Streep dans « Le Diable s'habille en Prada ». Elle joue la rédactrice en chef d'un magazine féminin à succès, l'archétype de la patronne tyrannique qui sème la terreur quand elle arrive inopinément au bureau.

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Le cinq sept 2013 - Son Chronique Eco 5/11 Diable s'habille en Prada

6 sec

Elle est charismatique/ froide/elle est narcissique autocentrée méprisante et volatile. Elle charme, elle séduit, elle casse...

Mais elle respectée vénérée et incontestée. Et bien pour la psychothérapeute britannique Naomi Shragaï, spécialisée dans le monde des affaires, ce personnage révèlerait le meilleur du monde patronal. Pourquoi a-t-elle gravi les échelons? Parce qu'elle est brillante, exigeante envers elle-même et son appétit absolu de contrôle tire tout le monde vers le haut. Et les résultats sont au rendez-vous.

L’universitaire anglais Mark Stein, professeur de management à l'université de Leicester en Grande Bretagne, est même allé plus loin: une étude consacrée à l'impact du narcissisme sur les entreprises, montre que ce qui fait leur succès cause aussi leur perte . Il s'est penché sur un cas d'école : la personnalité de l'homme à la tête la banque Lehmann Brothers au moment de son effondrement: Dick Fuld. Dick Fuld, c'est la Meryl Streep du film, mais en homme. C'est le patron militaire, brutal, qui fédère ses troupes en virant les contestataires. Et bien la démonstration de Mark Stein est la suivante: la confiance en lui de Fuld serait directement à l'origine de la catastrophe de Lehman. Quand il aurait fallu vendre la banque, bien avant le crash, Fuld s'y est opposé de toutes ses forces. Hors de question de brader l'entreprise dont il était incapable de voir qu'elle perdait de la valeur. Explication de l'analyste: l'ego du patron entraînerait une mauvaise stratégie car il surévalue son image et de celle de la compagnie qu'il dirige. Une rigidité qui a mené tout droit à la catastrophe.

Il y a un lien entre le profil psychologique du dirigeant et les résultats de l'entreprise. Une entreprise menée par un patron narcissique connaît des pics très hauts, mais aussi des chutes vertigineuses. Ses résultats auraient moins de constance que celle menée par un homme plus modeste. C'est la théorie d'un autre chercheur, l’Américain Donald Hambrick qui travaille à l'université de Pennsylvanie et démontre que l'ego vous amène à poursuivre des objectifs grandioses, d'où des gains astronomiques et des pertes abyssales.

En France, si on en croit les salariés entendus par l'institut Hay Group en mai dernier, la mode est au travail coercitif. On est dans la configuration du manager narcissique la plupart du temps: selon cette étude, 64% des Français jugent que leur dirigeant n'arrive pas à créer un climat de travail positif. Selon une autre étude réalisée par BVA pour BPI group, 43% souffrent du manque de reconnaissance de leur hiérarchie.

Ici ou là, certaines entreprises commencent donc à proposer à leurs salariés d'évaluer leur chef, mais c'est encore rare. Contrairement aux pays du Nord, où la discussion avec le chef est commune, la plupart des patrons français estime qu'une décision s'impose et que la discuter signifie la contester.

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