En France, les Assemblées de Dieu ne sont plus dans les garages

France Inter
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Principale branche évangélique ou pentecôtiste en France, les Assemblées de Dieu rassemblent plus de 650 000 fidèles, soit la majorité des protestants.

Quelle est la religion la plus dynamique en France ?

Il est difficile de répondre à cette question, car les statistiques religieuses restent interdites dans notre pays. Pourtant, si l’on s’en tient aux chiffres de construction de lieux de culte, ce sont de très loin les églises regroupées sous la dénomination des Assemblées de Dieu (ADD), principale branche évangélique ou pentecôtiste en France, qui connaissent la croissance la plus forte (plus, par exemple, que les mosquées). Elles viennent de rendre publiques leurs statistiques pour 2017 : on compte aujourd’hui 2 500 temples relevant des Assemblée de Dieu en France, soit une progression de plus de 35 par an ! Une église protestante évangélique se construit ainsi tous les dix jours en France… Ils rassemblent, disent-ils, plus de 650 000 fidèles. Désormais, ils représentent la majorité des protestants en France, si l’on tient compte de ceux qui assistent au culte, et non des protestants « culturels » (des personnes d’origine protestante –luthérienne ou réformée, mais qui ont perdu quasiment tout contact avec une pratique régulière).

Mais qui sont ces Assemblées de Dieu ?

C’est un regroupement des églises pentecôtistes en France, qui forment le gros bataillon (et le plus organisé) de ce que l’on nomme la mouvance évangélique. Vous allez me dire, c’est quoi le pentecôtisme ? Et bien c’est sans doute la religion chrétienne qui a connu la plus forte progression de toutes les religions : en un siècle, elle est passée de 0 membre à 500 millions de personnes environ !

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Le Pentecôtisme, que l’on classe dans la grande famille du protestantisme, aime à se définir comme un mouvement né dans une petite église de Los Angeles, en 1906, d’un quartier populaire. Un prédicateur baptiste aurait eu une manifestation de l’Esprit : le Pentecôtisme, vient de la Pentecôte, la manière dont le Christ est apparu aux apôtres, après Pâques, dans l’Évangile : « un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux ». Donc on est dans l’ordre de la manifestation surnaturelle, du miracle.

C’est une église pour les gens simples. On dit que le Pentecôtisme était une protestation de dignité des noirs américains et des plus modestes : ils revendiquent la possibilité de prier dans leurs mots, plus simples, directs, sans passer par l’intellect. Une expression populaire du christianisme.

Comment on les reconnaît ?

Par la priorité donnée à l’expérience de foi sur le dogme ou la théorie. C’est un christianisme expressif, chaleureux, souple, de petites communautés, ou assemblées, constituées autour de pasteurs très charismatiques. Les Églises encouragent l’expression individuelle à travers une démocratisation des dons spirituels. Chacun doit développer ses dons et son projet personnel de vie à partir de cette simple question : « Quel est le rêve de Dieu pour toi ? »

Ce sont des églises où l’on pratique le « parler en langue » : cf Paul, « celui qui parle en langue ne parle pas aux humains mais à Dieu ». La « glossolalie », parce que l’on éprouve un sentiment tellement fort, qu’il n’y a pas de mots pour l’exprimer. On a rapproché cela du « scat singing » du jazz. Le parler en langue est toujours un phénomène très impressionnant. Par ailleurs, ils pratiquent le baptême par immersion.

On a observé, à partir des années 1970, un raidissement de ces églises, tentées par une vision littérale, donc très fondamentaliste des Écritures, et donc un christianisme plus strict, parfois très conservateur. Mais tout le Pentecôtisme n’est pas concerné de la même manière par ce fondamentalisme. D’autres pasteurs continuent à mettre l’accent sur l’expérience, le charisme, la louange, et restent très souple sur la morale.

C’est le Pentecôtisme qui permit, le premier, aux femmes de devenir pasteures, à partir du moment où elles ont un charisme de prédicatrice. En 1923, Aimee Semple McPherson (appelé sœur Aimée) fut la première femme pasteure au « temple de l’Angélus » dans un quartier de Los Angeles. L’édifice, ancêtre des "mega churches" actuelles, pouvait accueillir 5 300 fidèles, qui semble-t-il, devait faire la queue pour entrer dans le temple, le dimanche matin et écouter cette femme au charisme étonnant.

En France, où sont les Pentecôtistes ?

Historiquement, ils sont nés en Normandie : la première église pentecôtiste a été créée dans les années 30, par un anglais, Douglas Scott, qui s’est installé au Havre, à partir duquel il a essaimé. Mais la grande expansion de ces églises en France date des années 80. Au début, les assemblées de Dieu restaient discrètes, et d’ailleurs elles étaient peu appréciées des élus locaux, qui leur refusaient des permis de construire, et aussi des autres églises chrétiennes « classiques » qui éprouvaient un certain dédain. Mais elles ont désormais une vraie légitimité, elles ont travaillé à leur normalisation dans le paysage religieux, et sont devenues une composante importante du christianisme français. Elles sont en train de sortir de la marginalité, et délaissent les garages pour construire des lieux imposants, mega church à la française. Par exemple, un projet à Créteil prévoit un centre culturel d’une telle église, avec aussi salle de concert, club de jeux pour les enfants, magasins et salle de prière, un immense centre de 10 000 m2. On va sans doute voir se multiplier de telles salles, dans les banlieues et aussi les villes moyennes. Les pasteurs, qui sont regroupés dans cette fédération des assemblées de Dieu, s’organisent, font de plus en plus des études de théologie, alors qu’avant, ils se formaient sur le tas.

On a beaucoup dit que ce sont des églises de migrants, ce qui est faux : certes, la majorité des églises de migrants africains ou antillais sont évangéliques. Mais dans ces églises pentecôtistes, on trouve des Français de toute origine, même s’il s’agit plutôt d’une France plus populaire, par exemple, que le protestantisme réformé ou le catholicisme.