Un vent de révolution souffle sur la Biélorussie. Trois jeunes femmes qui jamais, auparavant, n'étaient descendues dans la rue ont accepté d’enregistrer leur journal sonore des manifestations de ces dernières semaines, pour nous emmener avec elles dans la rue, dans leurs familles ou en sortie de détention.
Pour la reprise de Foule Continentale, pour attaquer une nouvelle saison, à un nouvel horaire et accompagnée d'une nouvelle équipe, Caroline Gillet a choisi de s'intéresser à la révolution qui a lieu en ce moment en Biélorussie et de raconter l'histoire de trois jeunes femmes, qui, jamais auparavant, n’étaient descendues dans la rue mais qui, cette fois, ont décidé d’y aller. Elles ont accepté d’enregistrer leur journal sonore des manifestations de ces dernières semaines et, ainsi, de nous emmener avec elles dans la rue, dans leurs familles et en sortie de détention et de raconter les émotions, les contradictions, les divisions d’une société qui prend un tournant. Elles ont envoyé tous les jours, des nouvelles de leur vie là-bas, des nouvelles de leur première révolution.
L'élection contestée
Cette révolution a débuté avec des élections présidentielles. Le président Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans, aurait été réélu avec 80 % des voix. C’est avec cette annonce que les choses ont commencé : la contestation de ces résultats, les slogans et les rassemblements, les violences, les milliers d’arrestations, les marches de solidarité, le hashtag #StandWithBelarus, les marches de soutien dans les pays voisins et au-delà, les rassemblements gigantesques et inédits du dimanche. Les arrestations encore.
Trois femmes, trois récits, pour une révolution
Les trois jeunes femmes qui témoignent dans l'émission ont dû choisir des pseudonymes. L’une a pris Natalya, l’autre Svetlana, comme sa grand-mère. Svetlana, ça veut dire lumière. Enfin, la troisième a choisi Liz. C'est elle qui raconte les manifestations du dimanche.
Ces derniers jours, ce n'est pas possible de ne pas se retrouver dans l'une des manifestations. Parce que c'est partout, dans tous les quartiers de [Minsk], je pense. Donc, dès que l'on sort de chez soi, on est forcément au milieu d'un rassemblement de personnes.
Ces manifestations provoquent beaucoup d’enthousiasme, mais aussi la crainte de certain·e·s, souvent parmi les plus âgé·e·s, qui ont connu l’époque soviétique. Pour les plus jeunes, cette révolution est la première manifestation d'une conscience politique récemment acquise. Selon nos trois protagonistes, la chose politique, jusqu'à présent, en Biélorussie, était bien plus une histoire individuelle qu'une histoire collective et c'était "culturellement" l'affaire de chacun·e de gérer ses insatisfactions dans son coin. Cela fait pourtant plus de 10 ans que le régime en place en Biélorussie est dans les radars dans instances internationales en raison de pratiques politiques qualifiées de dictatoriales et répressives. En 2011, le Président Loukachenko fut même interdit de visa au sein de l'UE et aux États-Unis. Svetlana n'était alors pas politisée, mais, depuis, elle s'est forgée un avis sur Loukachenko, qu'elle appelle aujourd'hui « l'ancien Président » :
Je sais maintenant que ce n'est pas seulement un fraudeur, ce qui est largement connu (ce n'est pas la première élection qu'il a falsifiée), c'est aussi un criminel, qui a tué beaucoup de personnes qui essayaient d'arrêter son régime, de se mêler des affaires d'état. Tout le monde le sait, ici, en Biélorussie.
Du vote à la rue
Cette année, le jour du vote, le 9 août, pour tenter de pallier le manque de transparence, trois plates-formes indépendantes ont été créées pour comptabiliser les votes. Liz a donc pris une photo de son bulletin de vote et, après les coupures, dès qu’Internet est revenu, elle a envoyé la photo à la plateforme “Golos”, que l'on peut traduire par « la voix ». Les plates-formes se sont ensuite alliées pour observer et compter les votes, elles en ont collecté plus d'un million, presque un tiers de ceux et celles qui se sont déplacé·e·s pour voter. Même pris avec prudence, ces résultats montrent un vote massif pour Svetlana Tikhanovskaïa, l'opposante du président sortant, pourtant crédité selon les résultats officiels de 80 % des votes.
Et c’est alors que les manifestations ont commencé, dès le 9 au soir, puis les arrestations, 5 000 en deux jours, des tirs à balles réelles par la police, suivies, à partir du 12 août par des marches de solidarité et des chaînes pacifiques, organisées par les femmes.
Je suis dans une colonne énorme de personnes. Nous sommes des milliers de personnes. Je vois des drapeaux, des ballons, des femmes et des hommes en rouge et blanc. C'est un fil infini, je ne peux voir ni le début, ni la fin.
Pour aller plus loin
- Le site d'informations indépendant russe (en anglais) Meduza — The Real Russia. Today.
- Le compte Instagram Nexta (en russe)
- Le compte Instagram Stories from Belarus, qui publie presque tous les jours des photos de personnes détenues et livre leurs témoignages
- Les plates-formes indépendantes qui ont recensé les votes des citoyen·ne·s volontaires : Zubr.in, Golos et Honest People
La programmation musicale du jour
Meryem Aboulouafa, "Welcome Back To Me", 2020
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