Entre Roumanie et Luxembourg : Larisa et les obstacles à l’IVG

Entre Roumanie et Luxembourg, Larissa et les obstacles à l’IVG
Entre Roumanie et Luxembourg, Larissa et les obstacles à l’IVG ©Radio France - Claire Braud
Entre Roumanie et Luxembourg, Larissa et les obstacles à l’IVG ©Radio France - Claire Braud
Entre Roumanie et Luxembourg, Larissa et les obstacles à l’IVG ©Radio France - Claire Braud
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Larisa Faber a grandi avec les histoires d'avortements clandestins dans la Roumanie de Ceaușescu. Elle a toujours perçu son pays d'adoption, le Luxembourg, comme une terre de progrès social, pourtant quand elle a dû avoir recours à l'IVG, elle a découvert que le chemin pour accéder à ce droit était loin d’être aisé.

Le Luxembourg est une monarchie parlementaire, un pays indépendant depuis 1839. Le pays reste profondément catholique, la séparation entre l’église et l'Etat n’a été inscrite dans la loi qu’en 2016 et le droit à l'avortement "à la demande", en 2014.

Larisa est née en Roumanie, où elle a vécu jusqu’à ses 4 ans

Sa mère avait demandé un visa, juste après la chute du dictateur Ceaușescu. Le géniteur roumain de Larisa s’est séparé de sa mère quand Larisa avait un an. Il s’est ensuite remarié et a eu un fils, puis un jour, elle a reçu de sa part un email, avec en majuscule dans le titre : "POUR LARISA MA SEULE ET UNIQUE FILLE". 

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Quand elle a eu 30 ans, Larissa s’est retrouvée dans une situation assez classique : des amis qui commencent à avoir des enfants, des pubs pour tests de grossesse qui apparaissent sur ses réseaux sociaux et des questions tout autour. Notamment de son gynécologue qui lui a dit : "Vous voulez des enfants ? Vous avez un partenaire ? Alors allez-y maintenant, sinon vous risquez de ne plus en être capable..."

Larisa a alors paniqué :

L'horloge biologique a fait "tic tic tic", et je me suis soudain dit " il faut le faire ! Si je le fais pas, notre famille ne va plus exister !"  Ce qui n’est vraiment pas une bonne raison pour avoir un enfant... J'étais pleine de peurs, plutôt que de désirs.

Larisa Faber
Larisa Faber
- ©Lynn Theisen

Et puis, par accident, à peu près à cette époque, Larissa est tombé enceinte

Je n'ai jamais vu l’avortement comme quelque chose de négatif. J’ai entendu beaucoup d’histoires de femmes de la génération de ma mère. La pilule était interdite sous la dictature car il fallait construire le grand peuple roumain. Pour avorter, on prenait beaucoup de risques, il fallait trouver un médecin qui le fasse, on risquait la prison ou la mort, ça n'avait rien d'anodin. 

Quand la question d'avorter s’est posée, pour Larisa, c'était une évidence. Mais du premier rendez-vous avec le gynécologue aux prises de sang avec les infirmières, elle a réalisé que pour accéder à ce droit acquis si tard, il fallait batailler contre les jugements et le manque d'information :

Ce qui a été traumatisant pour moi, au-delà de la procédure, au delà du corps, c’est l'attitude des gynéco... Ça a été un choc énorme de voir qu’il y a des gens de la profession médicale qui disputent ce droit, qui jugent les femmes, qui essaient de repousser la décision. Et mon idéalisme naïf du Luxembourg, pays d’accueil, de démocratie et d'ouverture en a pris un coup.

De son expérience malheureuse, Larisa a tiré un texte, puis un spectacle, Stark Bollock Naked, un seule en scène où elle détourne toutes les attentes que la société fait peser sur les femmes : maternité, féminité...

Catherine Chery est la directrice du planning familial du Luxembourg, Isabelle Portal en est la vice présidente

Le planning familial luxembourgeois a été crée en 1965 et s’appelait à l’époque La famille heureuse. En 2013, il n'y avait qu'un seul médecin qui pratiquait l'avortement dans tout le pays : celui du planning familial. Car c'est seulement en décembre 2014 que le Luxembourg a légalisé l'IVG à la demande.

Sur le site du planning familial on peut lire ce rappel législatif concernant l’IVG au Luxembourg :

"Avec la nouvelle loi :
- L'IVG n'est plus dans le Code Pénal
- Elle est libéralisée jusqu'à 12 semaines de grossesse ;
- L'IVG médicale est possible jusqu'à 7 semaines.
- Un obstétricien doit effectuer la première consultation qui précise le terme et le siège de la grossesse ;
- Les femmes peuvent opter pour une pré- ou post-consultation (à l'endroit où l'IVG est effectuée). Il s'agit d'un droit et cela ne constitue plus une obligation. La consultation pré-IVG reste obligatoire pour les jeunes filles en-dessous de 18 ans ;
- Le consentement parental est nécessaire à moins que l'adolescente ne préfère plutôt être assistée par un adulte de confiance qu'elle choisit ;
- La période de réflexion avant l'IVG a été raccourcie à 3 jours à partir de la première consultation"

Catherine Chéry se définit comme "médecin de santé public et féministe"

Elle considère que c'est le devoir de l'état d'offrir à ses citoyennes la possibilité d'avorter dans de bonnes conditions, indépendamment des croyances.

Quand la loi de 1978 pénalisant l'avortement était encore en vigueur, une jeune femme est arrivée au planning avec une boîte de Cytotec (un médicament utilisé pour déclencher l'expulsion du foetus et retiré du marché en 2018) en provenance d’Inde. Elle ne savait plus combien de pilules elle avait pris, elle avait des saignements qui ne s’arrêtaient plus. Le Cytotec c’est pas cher, on trouve ça partout, mais oui, ça provoque des hémorragies... J'ai appelé ça les IVG clandestines sur internet.

Entre Roumanie et Luxembourg, Larissa et les obstacles à l’IVG
Entre Roumanie et Luxembourg, Larissa et les obstacles à l’IVG
© Radio France - Claire Braud
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