Sandrine et Juliette sont françaises aux États-Unis. Elles ont toutes les deux porté un enfant (Sandrine plusieurs) pour d'autres parents et l'ont fait, avant tout, pour leur propre plaisir. En pleine crise sanitaire, Juliette a enregistré le journal intime sonore de sa grossesse et des premières semaines du bébé.
En France, la gestation pour autrui (GPA) est interdite et fait l'objet de débats passionnés, tant chez les féministes que dans les milieux conservateurs. La reconnaissance par l'État français de la filiation entre les parents d'intention et un enfant né par GPA, si elle a été validée par la Cour de cassation en décembre 2019, est régulièrement remise en question. Ce n'est pas le cas aux États-Unis, où vivent Sandrine et Juliette*. De débat, il n'y en a donc pas dans cet épisode de Foule continentale qui leur donne la parole.
Simon et Fabio ont fait un enfant
Retour rapide : dans l'épisode 68 de Foule Continentale, « Simon et Fabio font un enfant », on faisait la connaissance de Simon et Fabio, désormais parents d'un petit garçon, au moment où ils rencontraient, aux États-Unis, Amber, la femme qui portait celui qui allait devenir leur fils.
À l’époque, Fabio et Simon étaient réticents à l'idée de parler. Ils disaient qu’ils se sentaient illégitimes de s’exprimer sur le sujet, qu’il fallait surtout donner la parole aux femmes. Ils avaient ainsi demandé à Amber si elle accepterait de témoigner et, par chance, elle avait accepté. Et la promesse de Foule Continentale, en septembre 2019, était de lui consacrer un épisode ultérieur.
Caroline Gillet avait donc pris un rendez-vous en ligne avec Amber un soir, pour qu’il fasse jour chez elle, avec le décalage horaire. Elles avaient discuté. Caroline était fatiguée, Amber était dans une période compliquée de sa grossesse, elles étaient loin, la webcam ne fonctionnait pas. Caroline dit qu'elle n'a alors pas bien fait son travail, qu'elle n'a pas su sentir l'ampleur de la différence culturelle, qu'elle a sans doute manqué de délicatesse lorsqu'elle l'a interrogée sur les questions éthiques qui se posent ici, en Europe, lorsque l'on parle de GPA, lui expliquant que certain·e·s opposant·e·s parlent de la marchandisation du corps de la femme et comparent cet acte à de la prostitution. Amber a été choquée sur le moment. La conversation s'est tout de même poursuivie, Caroline a essayé de lui expliquer, avant de passer à un autre sujet. Quelques heures après, il faisait nuit chez elle et jour à Paris, Amber a recontacté Caroline pour lui demander de ne pas utiliser l'interview. Elle avait été blessée par l'échange.
Baby-sitting de l'extrême
Caroline a présenté ses excuses, en a parlé longuement avec Fabio et Simon et a décidé, alors, d'essayer d’avoir le témoignage d’autres femmes porteuses. Ce sont donc elles qui sont à l'honneur dans cet épisode 68 de Foule Continentale. Elles sont toutes les deux françaises, elles ont porté des enfants pour d’autres aux États-Unis, où elles vivent. Elles s'appellent Sandrine et Juliette.
Juliette a 34 ans au moment en février 2020 lorsqu'elle rencontre Caroline Gillet en ligne. Elle vit à Los Angeles depuis quelques mois avec sa fille et son mari qui a eu une mutation là-bas. Le contrat, c’est trois ans, au moins. Loin de la famille, mais près de l’océan. Juliette a décidé de porter l’enfant de sa meilleure amie, comme c’est légal de le faire dans certains pays et plusieurs états des États-Unis. Au moment de l’interview, Juliette était enceinte de 17 semaines. La meilleure amie de Juliette est la marraine de sa fille. Elle était aussi témoin à son mariage. Elles se connaissent depuis le collège. Juliette a trouvé une formule qui, à ses yeux, raconte bien le rapport qu'elle est en train de nouer avec l'enfant qu'elle porte.
C'est une forme de baby-sitting de l'extrême, pendant neuf mois.
Pendant ce baby-sitting, Juliette a enregistré le bruit des battements du cœur du fils de sa meilleure amie, pour les lui envoyer en France. Le couple a accepté qu’il traverse une seconde fois l’Atlantique pour qu’il puisse figurer dans cet épisode.
De la Californie à la Floride
Il est ici temps de préciser que Caroline Gillet a pu rencontrer Juliette grâce à Sandrine Levy. Sandrine vit en Floride et, après avoir elle-même porté deux enfants pour d’autres, elle a monté sa société avec laquelle elle met en relation des parents, souvent français, et des porteuses, souvent américaines. C'est notamment elle qui partage les informations pratiques et légales sur le sujet. Elle nous apprend que, bien que cela dépende des états américains, il faut, la plupart du temps, pour être porteuse, avoir eu déjà au moins un enfant et être indépendante financièrement, qu'on ne peut pas être porteuse si l’on touche des aides sociales ou si l'on est au chômage, afin de s’assurer que les femmes ne le font pas pour survivre, mais bien pour aider. En moyenne, les porteuses sont dédommagées à hauteur de 30 000 à 40 000 dollars pour le projet.
Sandrine raconte qu’elle s’est, il y a bien longtemps, mariée à un Américain, qu'elle est partie vivre aux États-Unis, où elle a eu ses deux enfants. Neuf ans après la naissance de son second, une amie l’a contactée de France. Elle était ménopausée, elle avait tenté plusieurs PMA qui n'avaient pas fonctionné. Cette amie avait appris que si elle montait un dossier et arrivait à la clinique avec une donneuse d’ovocytes, il y avait trois mois d’attente pour une nouvelle tentative de PMA, contre trois ans sans. Sandrine avait accepté alors de devenir donneuse. Finalement, cette amie ayant arrêté son traitement pour la fertilité, est tombée enceinte, de façon très inattendue, sans aide médicale. Mais, en attendant, Sandrine avait commencé à se renseigner sur le don d’ovocytes et sur la GPA.
C'est Tata !
Sandrine a eu une première expérience de GPA qui ne s’est pas très bien passée, elle ne s’était pas assez bien renseignée sur l’agence, sur les avocats. Elle a fini par perdre les jumeaux qu’elle attendait et par vivre une expérience assez négative. Elle a ensuite commencé à conseiller les porteuses et les parents sur des forums consacrés à la GPA. Un jour, alors qu’elle échangeait depuis un moment avec un couple de futurs parents, elle leur a proposé de porter pour eux. C'était la première de ses deux GPA couronnées de succès. Sandrine est restée en contact, irrégulier, avec la famille pour laquelle elle a porté ce premier enfant. Elle a ensuite porté un petit garçon pour un couple homosexuel. Cet enfant a cinq ans aujourd’hui, ils continuent à se parler tous les mois, se voient régulièrement et, si l’enfant n’a pas encore demandé qui l’avait porté, quand il le fera, c’est prévu, on lui dira « C'est Tata », puisque c’est comme ça qu’il appelle Sandrine.
* Le prénom a été modifié.
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